LES GRANDES GREVES CHEMINOTES (3)...

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LES GRANDES GREVES CHEMINOTES...

Après avoir lutté à diverses reprises, notamment lors des grands mouvements de 1910 et de 1920 et servi la France durant la grande guerre, les cheminots, tout autant que des millions d'autres personnes vont se trouver tout à coup plongés dans la guerre la plus meurtrière qu'ait jamais connue l'Humanité... Particulièrement exposés, pris en tenaille entre la passion pour leur métier, la nécessité d'assurer le ravitaillement et l'obligation d'assurer les transports au service de l'occupant, beaucoup vont opter pour la lutte et la résistance. Ils paieront un lourd tribu à la libération de la France...

Sur le plan "social", si l'esprit n'est plus aux manifestations, la vie devient de plus en plus difficile... Le syndicat cheminot est dissous par décret du 26/09/1939. Tous ses biens mobiliers et immobiliers ainsi que l'argent de caisse sont mis sous séquestre par ordonnance du 1/02/1941... Le 15 mars, un nouveau syndicat est constitué lors d'une réunion privée. Les statuts en son déposé 4 jours plus tard. Cette nouvelle organisation est acceptée par les autorités car (au moins en théorie) beaucoup plus proche des idéologies politiques du moment... Il reste que le bureau du "SYNDICAT CONFEDERE DES CHEMINOTS D'AVIGNON" est constitué de nombreux cadres de l'ancienne formation.... La préfecture ne s'y trompe pas, refusant à cette association la possibilité de prendre possession des biens séquestrés de l'ancien syndicat...

Puis, les armées Françaises défaites, intervient l'armistice. Commence alors la vie sous l'occupation. Dans un premier temps le Vaucluse, situé en Zone Libre est provisoirement épargné... Mais les Allemands envahissent finalement la totalité du territoire... Des cheminots Allemands prennent place aux côtés des hommes du rail Français...

Malgré cette présence permanente, certains cheminots commencent à résister du mieux qu'ils le peuvent. D'aucuns avaient déjà pris cette décision bien avant l'invasion de la Zone Libre... Dés septembre 1940, le Parti Communiste avait créé 6 groupes à Avignon; 3 au dépôt, 2 en gare et 1 au service VB. René Canonge, Félix Charre, Fernand Arnoux, Marcel Trouillier et Michel Bellot en sont les principaux instigateurs. L'action n'est pas sans risques car le décret loi du 26/09/1939 porte dissolution du Parti Communiste et de toutes les organisations affiliées (dont les syndicats). Les agents de la S.N.C.F. convaincus de relations avec des communistes ou affiliés à cette idéologie sont poursuivis, déplacés, voire révoqués ou même arrêtés. Alors que les parlementaires communistes sont déchus, plusieurs cheminots sont condamnés par un tribunal militaire, à 5 ans de prison (Lucien Midol de Villeneuve St Georges) ou à mort (7 cheminots dont Jean Catelas d'Amiens). Pierre Sémard* et Tournemaine sont également condamnés à 3 ans de prison. Ces groupuscules se développent malgré tout, lentement à partir de juillet 41, mais, dés octobre 1942, un groupe de résistance est créé au dépôt d'Avignon.

N ous ne nous étendrons pas ici sur les multiples actions perpétrées par les groupes de résistants, ce qui sera l'objet d'autres articles... Les mois, les années passent, les difficultés s'accroissent, mais l'espoir renait.. Le 6 juin 44, les alliés débarquent en Normandie. Le 15 août, ils arrivent dans le Var. Le 12 août une grève insurrectionnelle des cheminots est déclenchée, elle est fromentée par les groupes F.T.P. et vise à ralentir les transports militaires Allemands. Les blindés alliés pénètre à Avignon le 26... Le Vaucluse se libère mais tout est maintenant à faire... Le 8 mai 1945, l'Allemagne capitule. La guerre laisse 8 938 morts et 15 977 blessés dans les rangs de la S.N.C.F.

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EXTRAIT D'UN ARTICLE DU PETIT VAUCLUSIEN DU 3 JUIN 1944

CHEMINOTS,

Au nom de la FRANCE entière, le PARTI POPULAIRE FRANCAIS TIENT A RENDRE HOMMAGE PUBLIQUEMENT A VOTRE COURAGE ET A VOTRE ABNEGATION. Malgré les attaques de toutes sortes et les attentats terroristes, vous avez régulièrement assuré le ravitaillement de la population et les transports essentiels et contribué pour une large part au maintien de l'activité économique de notre pays. Aujourd'hui la FRANCE se trouve plongée dans la guerre. Une formidable bataille va s'engager sur notre sol, mais cette bataille que l'on présente comme une libération, n'est en vérité qu'une tentative d'asservissement de notre pays par le capitalisme international. Payés par lui les émissaires gaullistes s'efforcent de déclencher des grèves insurrectionnelles.

Le PARTI POPULAIRE FRANCAIS est persuadé que LES CHEMINOTS FORTS DE LEUR EXPERIENCE POLITIQUE sauront discerner les vrais motifs de ces excitations et resteront sourds aux appels de la trahison.

DES MOUVEMENTS DE GREVE ENTRAINERAIENT DES MESURES DE REPRESSION AINSI QUE LA FAMINE PAR L'ARRET DE TOUTE ACTIVITE ECONOMIQUE. VOUS NE SERVIREZ PAS DE TROUPES DE CHOC A CEUX QUI VOUS MITRAILLENT sans pitié et préparent les ATTENTATS FERROVIAIRES dont vous étiez souvent les SEULES VICTIMES. Répondez comme il se doit aux meneurs cachés dans l'ombre qui sans risque personnel veulent vous lancer dans des aventures sanglantes qui apporteraient dans vos foyers le deuil et la faim. CHEMINOTS CONTINUEZ A MERITER LE RESPECT ET L'ADMIRATION QUE VOTRE COURAGE ET VOTRE LOYALISME ONT SUSCITE CHEZ TOUS LES FRANCAIS.

PARTI POPULAIRE FRANCAIS.

 

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Le syndicat cheminot est reconstitué dés septembre 1944. Il reprend possession des locaux situés au 78 et 80 route de Marseille. Par décret du 26/10/1945, Charles De Gaulle, pour le gouvernement provisoire de la république française, restitue les biens et argent mis sous séquestre en 1941... Des activités militantes sont immédiatement reprises. Le club des cheminots organise par exemple des journées commémoratives et des meetings d'information (en mars 1948, par exemple, pour la semaine commémorative de la mort de P. Sémard, des projections de films sont organisées pour les cheminots et leurs familles. On projette, bien évidement "La bataille du Rail".

Mais la vie n'est pas facile. Les hommes s'attellent avec courage aux incommensurables travaux de déblaiement et de reconstruction. Ils ne comptent pas leurs heures. Certains viennent au dépôt en dehors de leurs horaires normaux et même les dimanches. La paix ne signifie pas pour autant la fin des restrictions. La pénurie de nourriture implique la poursuite du rationnement jusqu'en 1949... Les cheminots sont soumis aux mêmes conditions que les autres personnes, tout au plus certains, suivant leur emploi, touchent ils des rations légèrement supérieures étant classés comme des travailleurs de force. L'année 1947 est la plus difficile dans ce domaine. Aussi, en décembre un convoi particulier est reçu en gare d'Avignon. Ce n'est autre que le train de l'amitié.

Les syndicats ne restent pas les deux pieds dans le même sabot et créent, cette même année, une coopérative de produits de consommation et une coopérative d'entraide (La Fourmi, installée à Avignon, près du dépôt). Ces organisations proposent aux cheminots des produits à prix attractifs. Quant à ceux ayant la chance de posséder des liens familiaux à la "campagne", ils n'hésitent pas à utiliser leurs facilités de circulation pour chercher à l'extérieur la nourriture qui fait défaut dans les centres urbains...

L'Etat doit réaliser des économies. Durant le conflit, un "ennemi" du chemin de fer a "profité" de la situation pour étendre son emprise; le transport automobile et dans une moindre mesure le transport aérien. Malgré les efforts considérables consentis par les chemins de fer, les gouvernements libéraux qui se succèdent dans cette instable période d'après guerre tentent, à diverses reprises, de sacrifier le rail à la route.

C 'est aux entreprises nationalisées et aux chemins de fer en particulier que sont demandés les plus grands sacrifices. Les premières suppressions définitives de lignes secondaires peuvent être entreprises alors que la coordination des transports leur avait déjà enlevé, avant guerre, leur trafic voyageurs. Les trafics marchandises baissent fortement à Avignon en 1948 (à cause de la pénurie de combustible: - 20% sur les marchandises, -30% sur les denrées périssables). Les choses commencent très mal en Vaucluse... Les cheminots de plusieurs régions S.N.C.F. ont touché une prime exceptionnelle dite de libération. Malgré les efforts surhumains des cheminots provençaux, rien n'a été versé à ce titre sur la région de Marseille. Le mécontentement et un fort sentiment d'injustice montent dans la région... En 1947, les cheminots se mobilisent et font grève pour obtenir une augmentation des salaires... Qui sont bloqués alors que les prix à la consommation ne cessent de monter. Ils débrayent en juin, puis en novembre et décembre. Dans ce contexte de restrictions, la diminution des rations de pain provoque le 2 juin le lancement d'un mouvement de grève en région parisienne, à Villeneuve Saint Georges. Puis, le mouvement fait tache d'huile. Le 7 il atteint le sud du pays. Il est fortement suivi. Il prend fin le 11. A la suite des cheminots le mécontentement pousse les mineurs à l'action le 16, les employés de banque le 19... Alors que les ouvriers de Renault à Billancourt ont débrayé depuis mai...

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IL N'Y AURA PAS DE LICENCIEMENTS A LA S.N.C.F.
Mais suppressions simples par extinction
Le PROVENçAL 5/8/1950

La Sous-Commission des Finances de l'Assemblée Nationales, chargée de suivre la gestion des entreprises nationalisées et des entreprises d'économie mixte, s'est réunie hier, en fin de matinée, au Palais Bourbon, sous la présidence de M Courant, pour entendre M Pinay, ministre des Travaux Publics et de Transports, sur la situation actuelle de la S.N.C.F. et sur les réformes envisagées.

Le Ministre était accompagné de M Tissier, Président du Conseil d'Administration de la S.N.C.F., a confirmé son intention de déposer, vers la mi-octobre, un projet de réforme. Il a rappelé certaines des causes du déficit du rail: Charges sociales, effectifs, concurrence de la route etc... et a tenu à souligner que l'amélioration de la gestion annoncée contribuait à diminuer sensiblement ce déficit.

Le projet de réforme qui sera soumis à un prochain Conseil des Ministres prévoit notamment:

  • 1) La séparation des administrations des lignes secondaires et du réseau principal.
  • 2) Le réaménagement ou la suppression de certaines lignes secondaires.
  • 3) La signature de conventions avec des transporteurs routiers, qui, dans certains cas pourraient être considérés comme un service public.
  • 4) La suppression par extinction, sans licenciements, de 20 000 emplois. Le report de l'âge de la retraite de 55 à 60 ans.
  • Cependant, ces mesures ne permettront pas de résorber la totalité du déficit (environ 108 milliards). Un aménagement des tarifs est également envisagé.
  • L'annonce de cette réorganisation n'est pas sans inquiéter les syndicats intéressés qui viennent précisément de réclamer un relèvement des salaires, la garantie de l'emploi et le maintien de l'âge de la retraite.

 

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Un nouveau mouvement prend corps le 12 novembre à Marseille. Les conditions salariales sont encore au cœur des revendications. Les cheminots entraînent dans leur sillage les dockers et les mineurs. Peu à peu le pays se paralyse. Tout est bloqué à partir du 19. A Avignon, une fois encore, c'est le dépôt qui se trouve à la pointe de l'action alors que les sédentaires de la gare ne suivent le mouvement que dans une faible mesure. Le dépôt est occupé le 30 par les grévistes. La grève est sévèrement réprimée. A Avignon le dépôt est évacué par la force, alors qu'à Valence la police ouvre le feu sur les manifestants... Trois personnes y sont tuées! L'armée prend possession des installations ferroviaires et met même en position une automitrailleuse au niveau du portail de l'entrée. Le préfet interdit tout regroupement. Peu à peu le mouvement s'éteint. Il prend fin le 9 décembre. Il reste que cette grève, que d'aucun estiment d'une intensité équivalente à celle de 1920, provoque de profonds bouleversements sociaux, politiques et économiques.

M ais ces mouvements provoquent des scissions dans les rangs des syndicalistes alors que le syndicat C.G.T. y perd une part de son influence. C'est ainsi que le 5/01/1948, un nouveau syndicat, affilié à Force Ouvrière est constitué. En mai 1949 la Fédération Autonome des Mécaniciens et Chauffeurs est à son tour créée. La place Avignonnaise comprend 1 269 agents au dépôt dont 411 mécaniciens et chauffeurs, 350 agents du service général et 508 ouvriers et manœuvres, ainsi que 1029 agent en gare dont 560 sédentaires, 290 roulants et 179 employés au service des voies et bâtiments.... Une force humaine et revendicative considérable. Le gouvernement cède sous la pression et accorde un "minimum vital" de 7 000 Fr..

E n 1949 le gouvernement en place propose et obtient à la chambre par 315 voix contre 284, des mesures draconiennes de réduction des coûts à la S.N.C.F.: Arrêt de tous les travaux en cours et à venir, réduction de prés de 40% du réseau (moins 16 000 kilomètres), licenciement de 100 000 cheminots, recul de l'âge de la retraite (ces derniers points ne seront pas appliqués... Il sera fait appel au départ volontaire avec indemnités), hausse des tarifs, pleine coordination des transports!! Les réactions sont vives. De nombreuses grèves paralysent le pays. Le cheminots réclament, en juin, la création de services d'autorails légers et rapides et le maintient des lignes secondaires dont celle d'Orange au Buis les Baronnies. Le 4 août, une délégation est reçue par le préfet.. Elle lui apporte les revendications salariales des employés de la S.N.C.F.. Malgré quelques faibles mesures compensatoires, les salaires continuent à diminuer alors que les prix et les charges ne cessent d'augmenter. Une grève d'un quart d'heure a lieu le 19/04/1950... Plusieurs cheminots sont sanctionnés. Le 23 novembre, le gouvernement envisage de mettre en place une taxe sur les transports routiers de marchandises et de voyageurs... C'est immédiatement un tollé général! les syndicats et notamment en ce qui nous concerne, la fédération départementale des transporteurs routiers, refusent avec véhémence. Les petites Cies. pourraient être acculées à la faillite et de toute façon les transporteurs routiers "ne veulent pas renflouer de leurs deniers les pertes de la S.N.C.F.!" ... tout est dit...

 

Il est important de noter que l'une des revendications principales des cheminots va rester pour de très longues années la réduction du temps de travail. Le Front Populaire avait ramené la durée hebdomadaire du travail à 40 heures (mais en pratique elle est de 54 heures durant la guerre). Le décret du 1/10/1944 étai revenu sur la durée hebdo de travail. Mais le transport ferroviaire représentant l'un des éléments clef de la reprise économique, elle n'est réduite après guerre qu'à 48 heures pour les cheminots. Ceux ci acceptent cet état de fait (bien que l'horaire officiel reste légalement celui de 1936, de 40 H). Mais, lorsqu'au terme des années 50, le pays enfin relevé, une durée de travail hebdomadaire rallongée ne se justifiera plus, ils réclameront le retour à la légalité. Il faudra pourtant de nombreux mouvements de grève pour qu'enfin, intervienne une première réduction du temps de travail le 1/10/1962. La semaine de travail passe à 46 Heures. Il faut ensuite attendre les événements de mai 68 pour que la semaine passe à 44 H 30 (décret 22 juillet), puis 43 H 30 le premier juin 1970, 43 heures le premier novembre. le temps de travail va décroître ensuite insensiblement: 42 heures à partir du 26/09/1971, puis 41 heures le 1/01/1973 et enfin 40 heures en 07/1974... Simple retour aux acquis de 1936!

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NEUF TRAINS SUR 22 ONT QUITTE MARSEILLE
1 300 ORDRES DE REQUISITION LANCES

Des trains ont quitté Marseille malgré la grève, notamment le rapide Marseille Paris qui est parti à son heure habituelle, à 14 h 50. Le Nice Toulouse est reparti avec quelques minutes de retard. les guichets étant toujours fermés, les voyageurs montent directement dans les wagons. Des services d'autocars sont organisés et les compagnies aériennes assurent les départs à destination de Paris au prix de 5 100 Francs la place.

Neuf trains sur 22 que comporte l'horaire normal ont quitté la gare depuis 15 h 45. Le paquebot le ville d'Alger qui devait appareiller ce lmatin à 10 heures, n'a quitté le port qu'à 16 h 30, après avoir attendu l'arrivée du train paquebot venant de Paris. Les voyageurs ont été transbordés depuis Avignon par des cars. La Préfecture à lancé 1 300 ordres de réquisition.
Au départ débrayage dans une proportion de 95%

Aix:
Un arrêt de travail a eu lieu hier matin en gare d'Aix occasionnant quelques retards aux divers courriers.

Arles:
Le personnel de la gare S.N.C.F. a cessé le travail hier matin.

Tarascon:
Tous les cheminots étaient hier à leur poste, mais le trafic ferroviaire fut très réduit.

Dans les Basses Alpes:
D'une façon générale, les cheminots bas-alpins ont assuré leur travail. Cependant le trafic des trains a été presque nul, les têtes de lignes se situant dans les zones touchées par la grève.

Toulon:
La grève est totale. Seuls circulent quelques trains conduits par des ingénieurs de la traction. Des services de cars à destination de Marseille, et de Saint-Raphaël circulent.

Séte:
Quatre vingts pour cent des employés de la gare sont en grève. Deux trains de marchandises sont à l'arrêt. par contre, le Paris Béziers a pu repartir.

Montpellier:
Les cheminots C.G.T.-P.O. et C.F.D.T. ont décidé d'arrêter le travail, mais ils assureront les services de sécurité. Les agents des cadres sont toujours à leurs postes.

Nîmes:
Les cheminots nîmois à leur tour ont décidé de faire grève. Aucun train n'a quitté la gare de Nîmes aujourd'hui.

Avignon:
Les cheminots du dépôt d'Avignon ont cessé le travail. Un train de matériel militaire est en panne en gare. Des services de car ont été organisés pour permettre aux voyageurs de continuer leur route.

 

UN APPEL DE M PINAY

M Pinay, Ministre des Travaux Publics et des transports a adressé, hier soir, un appel radio diffusé dans lequel il a notamment déclaré:

"Cheminots, Dans ces heures confuses, je tiens pour dissiper toute équivoque à prendre position devant vous et devant le pays en toute clarté. Depuis 1950, le Gouvernement vous a accordé des augmentations de rémunérations dont le taux est analogue à celui qui était consenti à vos camarades des grandes entreprises nationales. Aujourd'hui, le problème que vous posez n'est pas un problème propre à la S.N.C.F. . Il ne s'agit pas de corriger des inégalités particulières. Il s'agit, compte tenu du mouvement général des prix, de rétrocéder, dans l'ordre, àun réajustement des salaires.

Un nouveau chiffre du salaire minimum garantis sera fixé demain. Il entraînera aussitôt une augmentation correspondante de vos salaires. Je donne l'assurance que cette augmentation interviendra pour tous, dans un esprit d'égalité, à la même date que pour les autres salariés, et sans oublier les nécessités de la hiérarchie. Vous connaissez la situation financière de la Société Nationale . Vous savez aussi que vous avez l'honneur et la charge d'appartenir à un grand service public. Le pays qui s'impose des sacrifices pour garantir l'équilibre financier de la S.N.C.F. a le droit de vous demander d'assurer (sans défaillance) la marche régulière des transports vitaux dont vous êtes responsables. C'est pour cela que le Gouvernement à eu le devoir de recourir aux réquisitions indispensables."

DANS LES AUTRES SECTEURS

  • Suppression des permissions dans l'armée
  • Rappel des permissionnaires
  • Suppression des congés dans la Police

Un conseil interministériel présidé par M Henri Queuille, pour faire le point sur la situation sociale, a décidé la suppression des permissions dans l'armée, le rappel des permissionnaires. Ceux ci devront rejoindre à défaut de leur garnison, la garnison la plus proche. La suppression des congés a été également imposée pour le personnel de Police.

LE PROVENçAL 1951

 

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Mais le processus est enclenché et, en 1951, Marcel Pellenc député du Vaucluse, demande une analyse de la situation des voies ferrées d'intérêt secondaire. Il faut étudier les solutions conduisant soit à leur abandon ou leur reprise ou bien encore des solutions permettant de leur faire renouer avec la rentabilité. On y rencontre encore trop de personnel et les tarifs n'y sont pas adaptés... Cette requête, véritable arrêt de mort des lignes secondaires que personne, c'est évident, ne saurait rendre rentables, provoque à nouveau de vives réactions chez les cheminots. Un personnel qui se plaint de conditions de travail rendues de plus en plus difficiles par la productivité déjà réalisée sur le matériel, le personnel, les bâtiments... Les grèves se renouvellent à diverses reprises en 1950, 1951, 1952, 1953 et 1954... Elles sont diversement suivies, suivant les appartenances syndicales. Elles sont quelquefois suivies, également, dans d'autres secteurs de l'économie publique ou privée. Un manque certain de cohésion entre les diverses tendances, ainsi que les réquisitions systématiques des cheminots empêchent des mouvements de grande ampleur. Des sanctions sont toutefois prises contre les "meneurs". Elles provoquent, à leur tour, de nouvelles vagues de protestations... Il en est ainsi le 4/06/1952. La grève, déclenchée au niveau national ne reçoit qu'un écho très faible en Vaucluse. Seulement 33 cheminots du dépôt et 12 de la gare y participent, alors que la direction l'avait interdite! L'extraordinairement faible mobilisation place ces quelques grévistes en position délicate. Plusieurs d'entre eux sont "déplacés", 2 sont révoqués, la plupart des autres sont traduits devant le conseil de discipline sous le motif "d'abandon de poste" et sont financièrement très lourdement pénalisés. Des actions sont lancées pour la réintégration des 2 "meneurs" révoqués, une délégation de femmes se rend même à Paris pour y déposer des pétitions. Dés le 10 juin, plus de 800 cheminots de la gare débrayent en signe de solidarité. Le 11/07, le syndicat C.G.T. organise une réunion de protestation contre les sanctions infligées par le conseil de discipline à 9 agents gréviste le 4 juin. De nombreuses associations sont alertées et se mobilisent. De nombreux cheminots proposent de l'argent pour compenser les pertes salariales des agents. La réponse de la société nationale est "rude". Non seulement les cheminots en question ne sont pas réintégrés à leurs postes mais dans aucun autre établissement Vauclusien.

Le gouvernement prend ensuite pour cible l'un des éléments hautement symboliques et sensibles: les conditions particulières des retraites. Les décrets loi LANIEL, du nom de leur instigateur, Joseph Laniel, président du conseil en 1953, proposent le recul de 5 ans de la retraite des cheminots. Immédiatement les hommes du rail réagissent. Tous les syndicats sont unis dans la lutte. L'appel à la grève est lancé le 7 août, 2 jours avant la parution au journal officiel. Le 10, plus de 75% du personnel est déclaré gréviste, mais la reprise est prévue pour le lendemain. Mais les décrets sont publiés et le mouvement de protestation est relancé. Les cadres entrent dans l'action le 13. Le 15 la paralysie du réseau est quasi complète. La direction fait apporter par la police aux domiciles des cheminots des ordres de réquisition signés par le préfet. La pratique des réquisitions ou du rappel des cheminots sous les drapeaux ne cessera qu'après les mouvements de mai 1968.. Le mouvement de grève s'étend également au d'autres corps de métiers, notamment à la POSTE, chez les employés municipaux et dans les transports en commun...

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L'article du décret loi n°53-711 du 3 août 1953 (J.O. du 4 août) "Laniel", modifiait l'application du régime des retraites des cheminots de 1911.

"à Compter du 1 septembre 1953, le personnel appartenant aux entreprises et aux organismes visés au titre II de la loi du 17 août 1948 (les sociétés nationalisées) et tributaires de régimes particuliers ou spéciaux qui occupent des emplois dont la nature n'est pas susceptible d'entraîner une usure prématurée de l'organisme ou n'est pas subordonnée à des qualités physiques déterminées et qui remplissent les conditions exigées pour l'ouverture du droit à pension d'ancienneté ne pourront solliciter leur mise à la retraite avant l'âge auquel les agents de l'Etat peuvent prétendre à pension d'ancienneté, ni être mis d'office à la retraite avant d'avoir atteint la limite d'âge applicable aux fonctionnaires civils de l'Etat, sauf s'ils sont invalides ou font montre d'insuffisances professionnelles".

Cette modification de la loi n'est donc pas applicable aux personnels roulants, sauf aux conducteurs de matériel électrique de banlieue, mais concerne les employés sédentaires, administratifs et ouvriers des grands ateliers...

 

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Peu à peu le mouvement s'effrite. Le travail reprend en ordre dispersé entre le 22 et le 24. Les décrets sont partiellement amendés, mais les protestations ne cessent pas. Des femmes de cheminots envahissent l'assemblée nationale. Les décrets sont finalement abrogés et le gouvernement du même nom, ébranlé par les événements est dissous le 12 juin suivant. Les grèves Laniel de 1953, restent longuement dans tous les esprits. En décembre 1953, c'est le syndicat C.G.T. qui fait "monter la pression" sociale afin d'obtenir la réintégration des camarades leaders licenciés... Des pétitions circulent. De nombreux courriers sont adressés aux responsables S.N.C.F. et politiques... Chacun espère une mesure de clémence de la part du Président de la République à l'occasion des fêtes de Noël et de la fin de son septennat... Les salaires et l'organisation générale de la S.N.C.F. sont également au coeur des revendications syndicales... Mais les 2 révoqués ne bénéficient d'aucune mesure de clémence et ils ne seront réhabilités qu'en 1981!

En mai 1956, les partisans de la paix en Algérie, organisent en gare de Bolléne, une manifestation pour empêcher le départ de plusieurs jeunes conscrits. Les manifestants répondent nombreux à l'appel, très nombreux même... Au point qu'un peloton de gardes mobiles est dépêché. Les gendarmes tentent d'empêcher les manifestants d'atteindre les voies. Mais rapidement les esprits s'échauffent, alors que la "pression" monte et que les sympathisants affluent de plus en plus nombreux... Le Capitaine à la tête du détachement ordonne finalement à ses hommes de charger la foule. Les coups pleuvent. Un homme est blessé. Il se roule à terre en hurlant. C'est un ouvrier de la cité IV. Mme Andrée Monier native du hameau, conseiller général, ceinte de son écharpe tricolore tente d'intervenir pour stopper ces brutalités. Son action est vaine. Elle même reçoit un coup de mousqueton dans le ventre! Le train survient enfin, mais la cohue est telle que les jeunes recrues ne peuvent embarquer, profitant ainsi d'une journée supplémentaire auprès de leurs familles... Il est notable que les syndicats cheminots sont dès l'ouverture de la guerre en Algérie fortement opposée à celle ci. Les cheminots, ainsi que d'autres corporations, participent régulièrement à diverses manifestations, distributions de tracts, pétitions en faveur du cessez le feu en Algérie, ainsi que du règlement pacifique de la crise de Suez en 1956. Des mouvements de grève sont observés en 1956, 1957 et 1958. Plusieurs journées d'action sont comptabilisées en mai 1958, en même temps que les mouvements portuaires vers l'Algérie sont bloqués à Marseille par les cheminots et les dockers. L'agitation est très importante le 27 mai. Les cheminots cessent le travail, ainsi que les mineurs, les dockers, les ouvriers métallurgistes et chimistes, les employés du bâtiment... La grève touche les ateliers et dépôts de locomotives, comme à Marseille, Miramas ou Avignon qui sont paralysés à prés de 80%. Les manifestants scandent des slogans pour la "défense de la république contre le fascisme". Le mouvement prend fin début juin. Les cheminots participent ensuite à diverses actions tout au long des années suivantes: Le 1 février 1960, ils cessent le travail 1 heure durant pour protester contre la "semaine des barricades" d'Alger.

Une résolution au nom de plus de 18 000 cheminots du 1 secteur de la région Méditerranée, est portée à Evian, pour appuyer les négociations de paix en cours. Les 9 et 10 novembre 1961, ils demandent le boycott du voyage de De Gaulle à Marseille et à des manifestations "contre le pouvoir personnel, contre la vie chère, pour la paix..." Enfin, ils manifestent contre les attentats de l'O.A.S. ou suite à la répression de la manifestation parisienne du 8 février 1962.

En 1962, les cheminots Avignonnais sont excédés par les mesures prises par la S.N.C.F. visant à accroître la rentabilité et qui rendent les conditions de travail de plus en plus pénibles. Si l'électrification a supprimé une grande partie de la pénibilité physique du travail des conducteurs, l'augmentation de la vitesse, la conduite à agent seul, ont apporté une pression psychologique très importante. L'électrification entraîne également une fonte importante des effectifs. Plusieurs mesures complémentaires, font "déborder le vase"... Les conducteurs d'Avignon se mettent en grève le 20 avril. Ils sont rapidement suivis par les agents des autres dépôts de la région. Le mouvement est très suivi le 25 avril. Le 15 mai, une journée d'action nationale et d'autres actions en juin, permettent aux cheminots d'obtenir certaines avancées, dont la baisse de la durée hebdomadaire du travail à 46 heures en octobre. De plus, pour les conducteurs de la région 6 "Méditerranée", un régime particulier de roulement allégé est obtenu en 1963.

ALERTE A TOUS LES AGENTS DE CONDUITE

MISE EN SERVICE DE VEILLE AUTOMATIQUE

Le 1 mai prochain, la veille automatique doit être mise en service sur les locomotives équipées du dispositif.

Agents de conduite, on se moque de nous. Les mesures prises par la S.N.C.F. ne peuvent, en aucun cas, améliorer la sécurité, mais tendent à faire disparaître l'agent en second. C'est là l'objectif principal de la S.N.C.F. qui, par une multitude de manœuvres et divers prétextes, tente de nous mettre devant le fait accompli.

Agents de conduite, nous devons réagir avec force et prendre conscience de la gravité du problème. D'importantes décisions doivent être prises en commun.

Devant le danger que représente la conduite des trains par un seul agent, il nous appartient de réagir avec vigueur. Sans plus de commentaires, nous vous demandons d'assister nombreux à la réunion qui se tiendra au club des cheminots.

Le LUNDI 22 AVRIL 1963 à 18H.

Pas un seul agent de conduite ne doit manquer d'assister à cette importante réunion qui sera assurée par les responsables locaux de toutes les organisations (CGT, FGAAC et FO).

AGENTS DE CONDUITE D'AVIGNON VENEZ NOMBREUX

Pour la CGT Pour la FGAAC Pour FO
PEYREMORTE GALANTIN TALLET
PAGANELLI BRINGUIER ARENA

En 1963, de nombreux mouvements de grève des roulants sont occasionnés par l'introduction d'un système d'amélioration de la sécurité... Non point que pour une fois les cheminots s'opposent à une amélioration du service, mais tout simplement parce que l'apparition de la "Veille Automatique" allait profondément transformer la vie des roulants. Si le système apporte une amélioration significative de la sécurité, il permet aussi la conduite des locomotives avec un agent unique... Une transformation radicale d'une façon de travailler héritée de l'origine même du chemin de fer. La V.A. va ainsi briser le "couple" de toujours; Mécanicien-Chauffeur, devenu conducteur électricien-aide conducteur avec l'électrification.. Un homme seul aura désormais sur ses "épaules" la lourde responsabilité de la sécurité. La S.N.C.F., maintient toutefois le cap sur ce dossier, et introduit en 1965, un système amélioré, la V.A.C.M.A. ("Veille Automatique avec Contrôle de Maintien d'Appui"). Celui ci est l'objet d'un rejet encore plus violent de la part des conducteurs, car il leur impose de manifester leur présence en permanence par une action brève sur un cercle métallique placé sous le manipulateur de traction.

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Le mouvement de grève a été diversement suivi dans le Vaucluse.

  • Arrêt quasi total du personnel S.N.C.F.
  • Grèves dans les principales confitureries d'Apt, les papeteries et l'industrie chimique
  • P.T.T., fonction publique, E.D.F., situation normale.

La journée de revendications, ainsi que le prévoyait LE PROVENCAL d'hier matin, n'a pas eu sur la vie de la cité et du département les répercussions qu'avaient amené, quelques jours auparavant la grève de l'E.D.F.. En effet, à part quelques perturbations, d'ailleurs profondes et allant jusqu'à l'arrêt total du trafic, apportées par la cessation de travail hier à la S.N.C.F., la vie a suivi, hier, en apparence, son cours normal et de nombreuses entreprises ont travaillé comme à l'accoutumée. Il n'en faudrait pas pour cela sous estimer l'ampleur des débrayages dans certains secteurs.

Chemin de fer: A 4 heures du matin, la grève commençait sur le réseau S.N.C.F.. En gare d'Avignon, le personnel de traction devait le suivre dans une proportion qui, suivant les sources de renseignements, est estimée entre 90 et 98%. Par contre, à l'exploitation, toujours d'après les mêmes sources, il y aurait eu entre 15 et 30 % de non grévistes.
Quoi qu'il en soit, dès cet instant, la gare était déserte et entrait qui voulait en passant devant les guichets fermés. L'autorail 133, qui se dirigeait sur Montpellier, a été stoppé en gare de Barbentane, cependant que les trains SR en direction de Vintimille, 54 en direction de Paris, 53 en direction de Marseille, poursuivaient leur route, mais avec quelque retard. Un contrôleur délivrait aux quelques rares voyageurs, une pièce leur permettant (dans le cas improbable d'un contrôle en route) de faire régulariser leur situation.

Industrie: Dans la plupart des industries et dans le bâtiment, la participation aux mouvements s'est limitée au dépôt de motions auprès des chefs d'entreprises. On signalait cependant des grèves dans l'industrie chimique de Sorgues Le Pontet, mais d'une durée limitée à deux heures pour les trois principales usines. Une réunion se tenait à l'Oseraie
Grève de 24 heures, par contre, à l'usine chimique de Bollène où 350 ouvriers avaient cessé le travail. Il en était de même à Apt dans trois des principales confitureries, représentant 100 ouvriers. A Avignon, à l'usine RHONELEC, le débrayage de 24 a été partiellement suivi.
Il a été total à la papeterie GROMELLE de St Saturnin les Avignon alors que le travail était normal à la papeterie à Entraigues.

Administration municipales: Dans l'administration municipale avignonnaise, ainsi que dans le personnel hospitalier, le travail a été normal. Sur un total de 2 000 employés, 140 seulement avaient débrayé. Les services de nettoiement et d'enlèvement des immondices est passé aux heures habituelles.

Aux P.T.T. : Aux Postes, Télégraphes et Téléphones, on n'a compté que 35 grévistes sur 1 500 employé. Les facteurs ont distribué normalement le courrier et payé les mandats, tous les guichets étaient ouverts, les communications téléphoniques urbaines et interurbaines fonctionnaient normalement.
Signalons, pour finir, qu'une réunion corporative des cheminots se tenait à 9 heures devant le dépôt et qu'un meeting avait lieu à 18 heures à la bourse du travail de la rue Ledru-Rollin.

G H GALLET

LE PROVENçAL 26/10/1957.

 

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Puis se profile l'année 1968, une année de grands bouleversements, non seulement au sein du monde du chemin de fer mais pour le pays tout entier... Le climat social y est extrêmement lourd. Les changements qui se sont opérés depuis le fin de la guerre, tant aux points de vue militaires que sociaux, industriels ou économiques, conjugués à la stagnation du pouvoir d'achat ont marqué les années précédentes. Plusieurs journées d'action se sont déroulées en 1967 et en début d'année 1968. Les "événements" de mai 68 , débutent à Paris dans les premiers jours du mois, ils sont le fait des étudiants qui se mettent en grève. Mais le Gouvernement réagit vivement à ces premiers mouvements. Le 10, des affrontements violents ont lieu, à Paris, entre étudiants et C.R.S.. Face à la brutalité de la répression, un certain émoi, et une certaine solidarité se développent. Peu à peu, l'ensemble des organisations syndicales, dépassées par leurs bases, appellent à la grève. Celle ci se développe comme une traînée de poudre, sans que que finalement personne ne s'y attende. Elle devient rapidement quasi totale. Les circulations ferroviaires sont rapidement quasi inexistantes. L'ensemble du monde ouvrier entre, peu à peu, en lutte. Puis, le mouvement se durcit. L'ensemble du pays se fige. Le 17, les premiers dépôts S.N.C.F. de la région parisienne cessent le travail. Lors d'une réunion intersyndicale à 18 heures, la grève illimitée avec occupation du dépôt est votée en Avignon. La grève des cheminots Avignonnais est la première du Vaucluse, tous domaines confondus... Les grévistes du dépôt se répandent immédiatement dans les autres secteurs. Ils occupent le P.R.S., les triages de Fontcouverte et de Champfleury puis, à 19 h 30, la gare où ils bloquent 4 trains. Les cheminots d'Orange, Cavaillon, Sorgues, etc... se joignent au mouvement, dans les jours suivants, tout comme les "sédentaires" qui finalement sont "poussés" à la grève, par la disparition totale de tout trafic.

Le mouvement est démarré. Avignon donne l'exemple, bientôt suivi par d'autres dépôts (La grève est semble-t il beaucoup plus suivie en Avignon que dans d'autres centres). Des piquets de grève sont mis en place. Les hommes se préparent à une lutte de longue durée. Une véritable "vie" s'organise dans le dépôt où des "veilleurs" vont devoir rester en permanence. Des paysans ravitaillent les cheminots... Il faut surveiller les locaux, le matériel, surveiller aussi et nourrir les animaux bloqués dans les trains arrêtés sur les triages. Pour prévenir toute éventualité d'action de la force publique, des essieux de locomotives sont calés en haut de la rampe à l'entrée du dépôt!!

 

Les cheminots de par leur action syndicale et revendicatrice, sont sollicités par d'autres travailleurs du privé, pour l'organisation de leurs propres grèves. Peu à peu, les travailleurs du rail sont dans toute la ville. Le pays est paralysé, les entreprises, les lycées, les service publics sont arrêtés...

 

La reprise du travail se fait progressivement, après d'âpres négociations, à partir du 7 juin. Le dépôt S.N.C.F. avignonnais est le dernier bastion de résistance. Il ne cède que le 8. Les acquis sont nombreux et importants. Une partie des jours de grève sont payés, les salaires et les retraites fortement augmentés, le syndicat C.G.T. est réintégré au sein du conseil d'administration d'où il avait été exclus suite aux grèves de 1947, la durée du travail est progressivement réduite pour atteindre 40 heures hebdomadaires, le nombre de jours de congés est augmenté.... Mais bien au delà de tout cela, une nouvelle société française vient de voir le jour.

 

Fin d'année 1986 difficile sur le plan social: Un mouvement de grève paralyse l'ensemble du réseau de la S.N.C.F. Le 18 décembre le mouvement est lancé sur le réseau du nord. Puis il fait tache d'huile. Il se répand dans les autres régions, sans préavis, suite à des réunions organisées spontanément dans les dépôts. La totalité des dépôts est bloquée le 21. Les revendications portent essentiellement sur des aspects salariaux, mais un malaise plus profond dans la profession transparaît dans ce mouvement. Le ministre de tutelle, M Douffiagues, avait, en effet, annoncé le souhait pour la société nationale, de voir disparaître le statut de cheminot, le gel des salaires et la suppression de nombreux postes... Le 22, le gouvernement fait intervenir les forces de l'ordre dans certains secteurs et autorise les autocaristes à assurer des parcours dévolus habituellement au chemin de fer. Les derniers jours de l'année voient un durcissement des actions avec blocages de voies et interventions multiples des forces de l'ordre. C'est à partir de la mi janvier que le trafic peut reprendre... très lentement. Les dépôts de la région Sud-Est étant les derniers à reprendre le travail. Le mauvais temps vient encore aggraver les difficultés de redémarrage d'une entreprise épuisée par prés d'un mois d'inaction, et vivement critiquée par l'opinion publique. Les actions reprennent pourtant en 1987. Des délégations montent manifester à Paris...

La rentrée sociale 1995 est difficile. Dans le domaine du chemin de fer la tension monte peu à peu. Augmentation des charges de travail, baisse du pouvoir d'achat sont à la base des revendications. Pourtant c'est essentiellement le futur contrat de plan qui mobilise les cheminots. Le spectre d'une libéralisation et d'une privatisation des chemins de fer pèse sur celui-ci. Lors de la réunion du conseil d'administration du 27 septembre, les représentants des cheminots réclament une participation de la "base" dans l'élaboration du contrat 1996-2000. Le même jour, un préavis de grève est posé pour le 10 octobre. Jean Bergougnoux, président de la société nationale, s'adresse par vidéo-conférence à l'ensemble des cheminots. Pourtant l'avenir tel que l'imagine leur président ne rassure ni ne convainc les hommes du rail. La S.N.C.F. s'apprête à supprimer prés de 6 000 kilomètres de lignes avant la fin du siècle, ainsi que de nombreux postes... Les cheminots restent mobilisés. Des manifestations se produisent le 12 octobre. Une nouvelle déception fait monter d'un cran le mécontentement. L'augmentation des salaires prévue par la direction. Le bras de force est engagé. Si les représentants sont invités à participer à la discussion sur le contrat de plan, plusieurs centrales syndicales déposent un nouveau préavis de grève. Après deux rencontres, les syndicats estimant ne participer qu'à un simulacre de concertation lancent un appel de grève générale. Le mouvement qui débute dans la dernière semaine de novembre est fortement suivi. les négociations et le dialogue sont rompus. Malgré le froid la mobilisation ne faiblit pas. A Avignon, l'appel lancé pour une manifestation le 12 décembre est suivi au delà de toutes espérances. Malgré le Mistral, 568 cheminots, dont certains non syndiqués, se réunissent dans la cour du dépôt. La grève est reconduite à 524 voix! Une nouvelle manifestation déverse plus de 25 000 personnes dés 10H dans les rues de la préfecture. Cheminots et usagers se mêlent sur la place du palais, dans la rue de la république, dans un cortège bruyant et coloré. Pour tous, l'avenir ne peut se concevoir sans un véritable et concerté développement du rail. Le 20 décembre, Loïk le Floch Prigent prend la présidence de la S.N.C.F. à la place de Jean Bergougnoux. C'est le 18 décembre que la grève prend fin, après 3 semaines de manifestations. Plus dure sera la reprise...

les cheminots du dépôt d'Avignon en grève en 1995.

L a fin du XX éme siècle, en dehors des prévisions apocalyptiques de certains "mages", représente malgré tout une période de bouleversements sensibles au sein de la société. Ils occasionnent une certaine anxiété chez les hommes et femmes vivant cette pourtant exceptionnelle période de fin de siècle et de millénaire. Si ces bouleversements sont réels, la Société Nationale des Chemins de Fer Français n'est pas épargnée par des changements en profondeur ayant pour corollaire de nombreux mouvements sociaux. Une fois encore, ce sont les cheminots de la région Provence Alpes Côte d'Azur qui sont en pointe des contestations. Plusieurs grèves affectent en 2000 et 2001 les services publics, dont le chemin de fer. D'importantes évolutions du métier de cheminot, comme l'introduction de la semaine de 35 heures accompagnée de diverses modifications de l'organisation, sont à l'origine de multiples mouvements. L'importante reprise économique mondiale des années 1999 et 2000 provoque une demande accrue de transport, que la S.N.C.F. n'est pas préparée à offrir. Matériel roulant ancien, pénurie de personnel, manque général de moyens provoquent, alors que la société Nationale à fait le choix d'un développement de son activité FRET, un nombre de trains "calés" ou désheurés totalement inhabituel et inacceptable. Quant à l'arrivée de la "grande vitesse" en Provence si, cela est certain, elle apportera un développement important du nombre de voyageurs transportés, occasionne également de nombreuses interrogations pour le personnel roulant. Les Trains à Grande Vitesse, permettront maintenant à des agents de conduite ou d'accompagnement d'assurer des allers retours vers la capitale dans la même journée. Nouvelle organisation réduisant ainsi les séjours hors résidence, et de fait les primes qui y sont liées, tout en augmentant la pénibilité du travail. Tout cela sur fond de directives de la Commission Européenne visant à la libéralisation du transport ferroviaire, avec disparition plus ou moins totale du statut de cheminot. Alors que la direction de la S.N.C.F. propose une réorganisation de la société par "activités", craignant qu'elle soit un prélude au démantèlement de leur entreprise, les cheminots cessent le travail en avril 2001. Ces mouvements, particulièrement suivis, font écho à ceux d'octobre 2000. Il est à noter, enfin, que les grandes mutations que nous venons d'évoquer font apparaître de profondes modifications du paysage syndical de la S.N.C.F. avec une perte progressive des prérogatives du syndicat C.G.T, et l'apparition de syndicats "dissidents" comme S.U.D...

 

Nous voici donc au terme (provisoire?) d'un très long sujet, réparti sur 3 articles... En espérant que sa lecture n'a pas été trop fastidieuse... Il est important de répéter une fois encore à la fin de ce sujet, que je ne suis affilié à aucun syndicat ni parti politique et que l'objet de cet article étant uniquement de présenter ces événements particuliers...

Les documents et illustrations de cet article sont issus de la collection de l'auteur. Photo Capdeville. Articles de journaux "le Provençal" collection des Archives Départementales de Vaucluse. Collection club des cheminots Avignon.

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04/01/2008
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