LE "QUARTIER DE LA GARE"..
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Bien souvent, l'apparition du chemin de fer et l'installation d'une gare dans une ville ou un village, y induit une importante opération d'urbanisme; création d'une voirie spécifique, "rue ou avenue de la gare", d'une grand place pour l'accueil des voyageurs, parfois installation d'hôtels, restaurants ou autres commerces, principalement pour les villes plus importantes. Plus tard, ces « grandes » artères desservant ces gares seront équipées en priorité de l'éclairage au gaz puis électrique et revêtues de pavés.
Revenons un peu dans le passé, notamment en Vaucluse...
Tout d'abord souvenons-nous que, durant les longues années d’études des projets de liaisons ferroviaires, de nombreuses villes et même villages vont se presser pour obtenir le passage du chemin de fer sur leurs territoires. Pour les communes comme pour les Cie., la gare est à la fois une "vitrine" ouverte sur l'extérieur et un outil de développement économique. On fait alors le maximum pour rendre sa candidature attractive et infléchir les choix, afin de faire passer le futur tracé près de chez soi. Les communes proposent, souvent, une participation au financement du foncier et promettent également les aménagements de voiries pour la desserte de la gare (à Pernes, à Apt, à Sorgues... les communes investissent pour créer places, avenues et jardins...).
La toute première gare Avignonnaise... Bien esseulée hors des remparts... Nous sommes bien loin de la situation actuelle (la gare est située au même emplacement!)
Le chemin de fer bouleverse l'organisation des villes...
Lorsque le rail arrive finalement, les changements sont souvent considérables. En général la gare est installée un peu à l'écart du centre-ville (on peut avoir un peu de mal à le croire aujourd'hui tant les villes se sont étendues... bien au-delà de la gare) et tout à coup le village "explose"... Il sort de ses "frontières" et entreprend son développement vers l'extérieur. On construit de nouvelles routes, parfois des avenues. Les emprises de la gare sont en général assez importantes (voire très importantes en cas de dépôts de locomotives ou de triages), la voie ferrée coupe routes, ruisseaux, canaux et rivières. Des ponts et des passages à niveau sont créés et le décor général de la commune s'en trouve bouleversé. Dans certains cas particuliers, c'est la ville tout entière qui n'existe que par et pour le chemin de fer (comme Miramas, dans les Bouches du Rhône) ou c’est un quartier entier qui se crée et se développe grâce, ou à cause de l'arrivée du train (comme le quartier des rotondes d'Avignon).
Une rue et une grand place devant la gare de Sorgues.
Avignon, une place ferroviaire importante...
La construction de la gare d'Avignon au Sudt de la ville provoque plus encore ici qu’ailleurs, un profond bouleversement. La gare est installée extra-muros... La municipalité propose donc de faire percer une nouvelle porte dans les remparts (avec de fausses tours!) et de tracer dans la perspective de la gare une grande avenue Haussmannienne... Ce sera LA fameuse rue de la République. Toute la ville s'en trouve alors "inversée" car jusqu'alors c'était du côté du Rhône, sur le quai de la ligne, que se trouvaient les entrées principales de la ville!
Il est à rajouter que le secteur du dépôt et de la gare d'Avignon est également complété par divers services techniques ou à l'usage exclusif des cheminots et leurs familles. S'y trouvent, ou s'y trouvaient à diverses périodes, un centre de tri postal, une gare à bestiaux, des locaux pour les services médicaux et sociaux voire sportifs et culturels. En complément de leurs maris, les femmes et enfants de cheminots ont, ou avaient, accès gratuitement à ces services. Il existait également à certaines époques une coopérative proposant des denrées alimentaires à prix réduits (par des achats groupés et la gratuité des transports) et un économat. L'économat central se trouvait à Marseille ou Béziers, mais les cheminots Vauclusiens pouvaient passer leurs commandes par correspondance. Ils recevaient leur mobilier, électroménager, linge de maison, vêtements chaussures et autres nourritures disponibles, à l'arrivée du wagon au centre ferroviaire le plus proche à heures et dates fixées à l'avance (les produits proposés à l'économat sont, bien entendu, meilleur marché que les produits équivalents dans le commerce et les cheminots y bénéficient de facilités de paiement). Le système de l'économat et de coopératives cessera au début des années soixante-dix... Un peu plus loin encore de la ville se construira une grande cité cheminote. Des jardins cheminots seront installés en divers lieux du département. Mais dans ces quartiers quasi exclusivement cheminots, souvent loin des centres villes, on ne "vit" qu'entre soi, pas comme "les autres" habitants de la ville... Le temps y est rythmé par l'activité ferroviaire...
Belle perspective sur la rue de la République... percée pour faire face à la gare.
Le quartier des rotondes qui s'est développé autour du dépôt des locomotives et de la cité du P.L.M.. le long de la route de Marseille. Une avenue importante qui a pris le nom du cheminot Pierre Sémard assassiné par les nazis. Un peu plus loin encore, les cités cheminotes.
Le choix des noms de rues…
A l’origine, les choses sont relativement simples… On crée la « Rue de la gare », le « Boulevard de la gare » ou « l’Avenue de la gare »… C’est le symbole de la modernité parvenue jusqu’au village. Au fil du temps, surtout récent, les noms vont évoluer… La création du dépôt d’Avignon génèrera la « Rue des rotondes » (devenue « Avenue Pierre Semard »). La présence d’éléments particuliers pourra également être matérialisée par une appellation ; la « Rue des 13 arches », l’« Avenue du pont de la gare », « Chemin du viaduc », ou bien encore la « Rue du Decauville » au Pontet. On compte également, à Avignon, les « Rue Paulin Talabot » et « Rue Gustave Noblemaire »… Mais qui sait encore de nos jours qui sont ces personnages et ce que la ville leur doit ?
Après la dernière guerre, certaines voiries sont débaptisées et remplacées par des noms de cheminots martyrs… Beaucoup de communes ont désormais leur « Avenue Pierre Semard »*, Pertuis crée la rue « Albert Desolme »**, Avignon baptise, tout autour du dépôt, des rues, impasse et place aux noms des cheminots résistants, morts pour la patrie, Sorgues nomme la rue des « 700 déportés du train fantôme ».
Avec la disparition progressive des gares et des lignes, vient le temps des « rues de l’ancienne gare », « Chemin de l’ancienne voie ferrée », « Place de l’ancienne gare », « Rue du Chemin de fer ». On peut également trouver une « Rue de la petite vitesse », ou un « Chemin de l’épi » (entendons de l’épi ferroviaire, desservant une ZI et non de l’épi de blé), rappelant des activités ferroviaires maintenant disparues. La disparition de l’activité peut également se traduire par la disparition pure et simple des « Rues ou Avenues de la gare », rebaptisées sans aucun lien avec leur ancienne destination.
(*Pierre Semard, né le 15 février 1887 à Bragny-sur-Saône (Saône-et-Loire) et mort fusillé par les Allemands le 7 mars 1942 à la prison d'Évreux (Eure), syndicaliste français, secrétaire général de la Fédération des cheminots (CGT) et dirigeant du Parti communiste français, dont il fut secrétaire général de 1924 à 1929).
(**cheminot tué par fait de guerre à Pertuis).
L'empreinte du rail, les activités connexes...
Ils ne sont pas directement construits dans les emprises du chemin de fer (hormis les buffets de gares), mais font malgré tout partie du "paysage ferroviaire" local. Ils assurent souvent un service complémentaire à celui des Compagnies pour la clientèle du rail (nourriture, hébergement, transports, etc.). Il s'agit, bien sûr des hôtels, restaurants, bistrots et autres commerces ouverts à proximité des gares. Parfois, l'activité ferroviaire, la gare, voire l'ensemble de la ligne a disparu mais les enseignes commerciales rappellent encore son ancienne présence...
Une grand place bien vide pour la gare de Cavaillon flanquée de son buffet... Pas tout à fait comme à notre époque "moderne"...
La place des voyageurs à Pertuis avant et après les opérations de rénovation de modernisation...
Ainsi sont apparus, se sont développés (et ont parfois subi les bombardements) les "quartiers de la gare"...
A Cavaillon buvette-PIZZA de la gare, avenue de la gare et hôtel Terminus...
Avignon, Pharmacie, grand bar, boulangerie des rotondes, bar de dépôt, club des cheminots...
A Sorgues, l'hôtel de la gare... Hier et aujourd'hui...
Bars et restaurants à Monteux, Carpentras et Avignon Courtine...
Avignon, l'école "des rotondes"...
Orange, l'hôtel "de la gare"...
Robion, le café "de la gare"... (photo CM)
Bonnieux, le restaurant "de la gare"...
Apt, le café "de la gare"...
Mirabeau, le restaurant "de la gare"...
Entraigues, le café "de la gare"...
Sarrians, l'ancien hôtel café "de la gare"... (Collection Mairie de Sarrians)
Orange
Le développement du commerce des antiquités et de la brocante à l'Isle sur Sorgue vont entrainer dans les années 1990/2000 une transformation, entre autres, du quartier de la gare avec la transformation d'anciens locaux industriels en salle des ventes... Mais le caractère "ferroviaire" du quartier reste marqué...
Le chemin de fer va influencer également la dénomination des rues... On trouve des rues Pierre Semard dans de nombreuses villes, des rues et avenues de la gare, rue des rotondes, rue Talabot, rues rendant hommage aux cheminots résistants...
Althen les Paluds
(Ancienne Impasse de la Petite Vitesse) Avignon
Bédarrides
Bollène la Croisière
Carpentras
Cheval Blanc
Courthézon
Entraigues
Saint Saturnin
Orange
L'Isle sur Sorgue
Montfavet
Sorgues
Sablet
Sarrians
Pernes
Pertuis
Piolenc
Robion
Le Thor
Valréas. Outre la rue du chemin de fer, on trouve tout proche, le lac et la résidence "lou camin ferra"... " Le chemin de fer".
- Les rues "ferroviaires" -
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Les cartes postales anciennes nous permettent de découvrir également des « avenues de la gares » aujourd?hui introuvables, soit parce que le train a cessé de circuler et le chemin de fer disparu, soit parce que ces voiries ont été rebaptisées (Par exemple l?avenue de la gare à Orange est devenue Avenue Frédéric Mistral).
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