LA CATASTROPHE DE BOLLENE..

 

LA CATASTROPHE DE BOLLENE

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L'année 1957 est marquée par le destin pour le chemin de fer Vauclusien. Le 19 juillet, une catastrophe sans précèdent se déroule en gare de Bolléne la Croisière.

Remontons un peu dans le temps...

Nous sommes le jeudi 18 juillet, en fin d'après midi en gare de Nice. De nombreux voyageurs prennent place dans les voitures du train de luxe numéro 20. La rame est composée de lourdes voitures lits et d'une voiture restaurant à l'impeccable livrée bleue.

Un peu plus tard. Marseille, dépôt de la Blancarde. Le mécanicien Mazi et le chauffeur F., préparent leur machine. Le temps est à l'orage, il fait lourd. La P 22 est descendue un peu plus tôt de Lyon. Elle n'est rentrée au dépôt que pour son approvisionnement et sa préparation. La nouvelle équipe de conduite (une équipe Lyonnaise) a pris possession de la machine.

La "P" est au timbre. Le haut parleur du dépôt appelle la machine. Les 2 hommes passent "sur plaque". Il est 22 h 20.

A ce moment là, ils sont pleinement professionnels et se préparent à ce voyage. Un beau train, une belle machine. Mais ni eux, ni les voyageurs qui ont pris place dans le train ou qui vont monter dans les voitures à Marseille ne se doutent du tragique destin qui les guette un peu plus loin vers le nord... Pour certains, les dernières heures de leur existance commencent à se décompter... La machine quitte le dépôt. Elle arrive à St Charles, accoste... Attelage du convoi, essais de freins, ultimes vérifications.

23 h, le chef de service agite la palette. La machine arrache le convoi du quai de la gare St. Charles et s'engage sur la ligne Impériale. Il fait nuit, le temps est très mauvais pour une nuit d'été... il pleut maintenant. La machine trace sa route. Le train arrive à Avignon. Après un bref arrêt la 241 P reprend sa route.. .Se précipitant vers son destin.

Pendant que le convoi poursuit son chemin, quelques échanges se déroulent entre la gare de Bolléne et celle d'Orange. Le régulateur souhaite profiter d'une espace laissé libre entre deux rapides pour y intercaler un train de wagons de marchandises. Il doit être expédié depuis Orange pour un "saut" de puce car il doit être garée à Bolléne, pour ceder la place au rapide qui va le talonner. Mais il semblerait qu'une certaine confusion règne dans la transmission des ordres entre le régulateur et les agents sur le terrain. Il faut dire que Bollène dépend du régulateur de Valence, Orange de celui de Marseille... A bollène ont fait l'aiguillage pour dégager le train de marchandises sur la voie de garage. La pluie a cessé, mais une brume laissée par l'humidité sur le sol chaud persiste... Il fait lourd malgé tout en ce milieu de nuit. Les hommes sont aux commandes de la machines. Les voyageurs dorment. Les fenêtres de compartiments sont ouvertes...

Et puis tout à coup à Bollène, c'est la catastrophe! Alors que le train de marchandises est attendu, c'est le rapide qui se présente. Le train de marchandises n'a pas quitté Orange. Il est 1 heure 15 du matin... Le Côte d'Azur-Paris, arrive à pleine vitesse. Il traverse la gare dans un crissement de freins épouvantable, mais il roule encore trop vite! Il est trop tard, l'accident est inévitable. Il déraille sur l'aiguille d'entrée de la voie de garage qui avait été mise en position déviée pour garer le train de marchandises.

Une vue aérienne de l'accident. On aperçoit la machine couchée sur le flanc. Le fourgon qui la suivait et la première voiture ont été expédiés très loin. Une voiture s'est positionnée juste au droit de la fuite de vapeur de la chaudière... La voie est arrachée, le sol labouré...      Photo X Collection Fraisse.

Le bilan est lourd... La machine se couche sur le flanc entraînant tender et fourgon. Puis les voitures se téléscopent, s'enchevêtrent, se chevauchent... L'une d'entre elles "monte" sur la locomotive et se trouve ainsi dressée vers le ciel. La voie est arrachée, le ballast est retourné, labouré. Tout cela ne dure qu'à peine quelques secondes. Dans la nuit sombre, le silence retombe après un fracas probablement apocalyptique. Bientôt déchiré par les cris et les râles des blessés.

Par une malchance extraordinaire, dans sa chute la chaudière de la 241 P s'est trouvée "transpercée" par les rails arrachés et, de cette "plaie" béante, s'est échappé une flot terrible de vapeur à plus de 400°C qui enveloppe les voitures et pénétrant par les baies ouvertes brûle gravement les voyageurs. Lorsque le bilan définitif sera connu, on découvrira que c'est la vapeur échappée des entrailles de la locomotive qui a occasionné le plus grand nombre de blessés et de tués.

Dix sept personnes périssent immédiatement dans cette catastrophe et 3 dans les jours qui suivent (dont le MECRU MAZI qui laisse une veuve et 3 jeunes enfants), 74 sont blessées, plus ou moins grièvement.

Le chauffeur survivra miraculeusement à ses blessures. Nous avons pu recueillir son témoignage.

Très rapidement les secours s'organisent. Les centres de secours de Bolléne, Orange, Avignon, Valréas, Le Pontet, Sorgues, Pont saint-Esprit, Pierrelatte et Montélimar dépêchent des équipes sur les lieux, ainsi qu'un détachement du 11 Eme Cuirassier d'Orange. Les médecins et ambulanciers privés sont appelés en renfort. Les hommes sont placés sous la direction de M Masson, chef de cabinet du Préfet et du Lieutenant Colonel Guilbaut des secours départementaux. Les blessés sont évacués vers les centres hospitaliers d'Orange et Avignon, tandis que les plus gravement atteints sont conduits par hélicoptère sur Marseille. Les brûlures sont les blessures les plus graves.

Dés le lendemain matin, les opérations de remise en état des installations et de dégagement des voies sont entreprises. Deux grues de la S.N.C.F., l'une de Montélimar et l'autre d'Avignon sont dépêchées sur les lieux. Voies et matériel ont été terriblement éprouvés par le sinistre. Une voie de circulation provisoire est installée permettant le passage des circulations à vitesse réduite. Les passagers des trains traversent donc au pas, le théâtre de cette effroyable tragédie. La machine est relevée et envoyée aux ateliers. Elle sera très rapidement réparée.

Dés le 20 juillet, MM Louis Armand président de la S.N.C.F. et Edouard Bonnefous ministre des Travaux Publics se rendent par autorail spécial en gare de Bolléne. Ils y rencontrent les autorités locales avec en tête le préfet Boissier pour un "pèlerinage" technique. Puis ils réconfortent les blessés des hôpitaux. La catastrophe est suivie par un élan de solidarité sans précédent: Des milliers de personnes viennent donner leur sang, tant dans le département qu'à Marseille. Malheureusement, de nouveaux décès sont enregistrés dans les jours qui suivent le déraillement.

Monsieur Louis Armand et les diverses personnalités en gare de Bollène. (Photo R Long - Coll JL Bezet)

Immédiatement cette terrible tragédie soulève une vive polémique et une vague de protestations du personnel roulant qui se met en grève. Les cadences de travail et les mesures prises pour accroître le rendement pourraient être indirectement à l'origine du sinistre. Les hommes sont fatigués, le matériel également. Par ailleurs, les premières déclarations "officielles" voudraient accréditer la thèse de l'erreur ou de la défaillance du mécanicien, comme raison unique de l'accident. Dans le même temps, les obsèques de M Mazi, à Lyon, sont émouvantes. Après enquête puis procès, le mécanicien, un cheminot irréprochable, excellent professionnel, souvent cité durant sa carrière pour ses compétences, et à quelques mois de la retraite, sera "blanchi". L'ensemble des responsabilités d'une incroyable accumulation de dysfonctionnement, est reportée sur la seule S.N.C.F..

ACCIDENT DE BOLLENE

Un cliché qui permet de mieux se rendre compte de la situation... (Photo Gilbérian - collection Lohmuller)

LOCO 241 P 22 ACCIDENTEE

La 241 P après son relevage... Coll Rissoan.

Mais, comme à chaque fois que cela se produit, l'accident est suivi d'une enquête de gendarmerie mais aussi d'une enquête interne à la S.N.C.F. à l'origine de nouvelles mesures réglementaires, destinées à ce que jamais une telle conjonction d'événements ne puisse conduire à nouveau à une tragédie. Malheureusement, quelques semaines plus tard, un déraillement meurtrier se déroule à nouveau, dans le département voisin, le Gard (7 septembre, en gare de Nozières-Brignon. 26 morts et 70 blessés).

Le chemin de fer est il, à ce moment, allé au delà des limites raisonnables en terme de recherche de productivité? C'est la question que l'on peut se poser effectivement à la lecture des documents et des articles de presse qui on suivi assez longtemps les rebondissements de cette affaire. N'oublions pas que nous sommes dans une période socialement difficile. De son côté, PARIS MATCH couvre le sujet dans son n° 433 du 27 Juillet.

Quoi qu'il en soit si vos pas vous conduisent un jour sur le pont qui enjambe la voie ferrée à proximité de la gare de La Croisière, ayez une pensée pour ceux qui ont péri ici, sur la couchette de leur voiture et celui qui a tragiquement terminé sa carrière de mécanicien, aux commandes de sa machine. Une plaque commémorative, placée par la famille du mécanicien perpétue modestement le souvenir de cette nuit de cauchemard.

Plus de Photos? RdV dans l'album...

Avec tous mes remerciements à M Fraisse, Mme Rissoan et M Lohmuller et toutes les autres personnes qui m'ont communiqué leurs documents et témoignages relatifs à cette tragédie.

hep, hep! ne partez pas... Vous oubliez le petit commentaire...



27/01/2008
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