LA LIGNE DE CAVAILLON A APT ET A VOLX (documents)
La petite ligne du Luberon a vécu en ne faisant que peu parler d'elle. Elle a disparu, presque dans l'indifférence, n'ayant pas suscité les prises de positions passionnées qui ont précédé la mise à mort des lignes du Buis ou de Pierrelatte à Nyons. De fait, peu de documents sont disponibles. Voici malgré tout un petit florilège...
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Au cours de la séance du Conseil général relative à la question de la ligne APT - CAVAILLON M Geoffroy, conseiller général du canton a fait entendre d'énergiques et éloquentes protestations contre le projet tendant à la suppression des trains sur la ligne Apt - Cavaillon. Dans la circonstance notre conseiller général a chaleureusement plaidé la cause des intérêts d'Apt et des environs ce dont nous le félicitons trés sincèrement.
Petit Provençal 23 mars 1938
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APT
DU NOUVEAU A LA GARE
Il y a plus de vingt ans que le trafic voyageurs a été supprimé en gare d'Apt. Par contre, le trafic marchandises est encore assez important avec des expéditions de fruits confits, notammentde cerises à destination de l'Angleterre , des ôcres, engrais et autres.
Tandis que le transport par fer amène dans notre ville le glucose, le sucre, les cerises en provenance d'Italie nécessaires aux industriels locales des fruits confits, sans compter les colis destinés au commerce local. Jusqu'à ces derniers temps le service était assuré par un train sur la ligne Cavaillon Apt et retour, actionné par une locomotive à vapeur.
Depuis près d'un mois on a modernisé le mode de traction. La locomotive à vapeur a fait place à une locomotive Diésel que l'on voit ci dessus, sur le quai de la gare d'Apt où le personnel de la S.N.C.F. a bien voulu poser pour notre photographe.
On reconnait, de gauche à droite, Louis Nicolas, chef de train à Cavaillon, Louis Allier, conducteur, Cauderon, chef de train, Benoît Garcia, homme d'équipe, le joueur de rugby bien connu du Cavaillon XIII et Raymond Occelli, brigadier de manoeuvre, Armand Rodriguez commis en marchandises at André Raspail, intérimaire, remplaçant le chef de gare.
LE PROVENCAL septembre 1958 AD VAUCLUSE
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XIII Le train perdu des Alpes.
La première personne que j'ai rencontrée en arrivant à la gare d'Apt, c'est M Jean Coren. Cet ancien cheminot habite tout près car, bien qu'il ait été réformé en 1934, il n'a jamais voulu trop s'éloigner de ces trains qui, vingt années durant, ont rythmé son travail et sa vie. "Je suis, dit il, entré à la Compagnie en 1910. En 1934, j'ai eu un accident et j'ai dû prendre ma retraite prématurée.
- Vous avez donc connu la ligne d'Avignon à Volx à sa plus belle époque?
- Oui, vers 1925, il y avait jusqu'à huit trains de voyageurs par jour. Et chaque jour, entre autres marchandises, le train emportait une moyenne de treize cents tonnes d'ocres. Par contre, je crois que le tonnage des marchandises diverses a, depuis, augmenté.
- Et à quel moment les trains de voyageurs ont disparu?
- Hé bien après la guerre, mais j'étais déjà retraité".
Encore des voies qui s'en vont.
D'Avignon à Cavaillon et de Cavaillon à Apt, la voie existe toujours et, tout à l'heure, nous en reparlerons. Mais d'Apt à Volx ou, plus exactement, petite station à six kilomètres d'Apt, jusqu'à Volx, les voies ont été enlevées, certains points détruits, les maisons de gardes-barrières sont pour la plupart abandonnées. Les gares intactes subsistent. Il y en a une entre la Bégude et Saint Martin de Castillon. Sur ce qui fut le ballast, dans le sol boueux où pousse une herbe rare, des moutons ont laissé l'empreinte de leurs petits sabots bifides. Je ne sais pas si, dans ces bâtiments clos, comme cela se fait plus loin vers les basses-Alpes, on entrepose des herbes aromatiques ou bien encore des marrons d'inde ramassés par les cantonniers de la RN100 et qui, par dizaines de tonnes, s'en allaient naguère, un peu pour l'industrie pharmaceutique et beaucoup pour la fabrication des piles électriques. Toujours est il qu'ici la fermeture de la ligne semble avoir été néfaste à l'économie locale. Dans ce coin, autour de la station de chemin de fer, s'était constituée une véritable agglomération. Elle est maintenant quasiment morte. Je n'ai vu qu'une maison habitée, sur la partie bas-alpine du trajet. Les maisonnettes de gardes-barrières sont à l'abandon. " Les maisons de gardes-barrières, m'a dit qelqu'un au bord de la route, c'est commode lorsqu'on va à la chasse, pour y faire une halte". Le ballast demeure et on doit le dire, l'entrelacement qui tout au long du trajet, s'opère entre lui et la route à quelque chose de déconcertant. On peut souvent se demander à quels impératifs mystérieux ont obéi ceux qui ont fait serpenter cette route goudronnée , tantôt à gauche, tantôt à droite de la voie ferrée avec, à chaque changement un virage dangereux. Il y aurait évidemment, de ce côté quelque chose à faire et nous souhaitons que ce soit fait un jour... pas trop tard.
Mais ici, nous ne trouverons pas grand trace vivante de l'ancien petit train. En changeant de département, nous avons littérallement franchi la frontière entre deux univers; celui de la Provence Rhodanienne et celui des Alpes. Revenons donc à Apt ou plutôt, à la station du bout du monde. Et d'abord pourquoi n'avoir pas choisi Apt comme terminus de la ligne? " Parce que, me dit Madame Germaine Aubert, gérante de la petite station, parce que lorsque la ligne fut supprimée, la mine de soufre qui est implantée près de la gare était encore en pleine prospérité
- Ce qui veut dire qu'elle ne l'est plus à l'heure actuelle?
- Exactement. En pratique la mine de soufre n'expédie plus que pour l'étranger et encore assez rarement. En réalité, la grosse activité de cette gare c'est l'expédition des céréales". Et justement, arrivant via Apt, de Cavaillon, une locomotive diesel de six cents chevaux, vient chercher des wagons.
XIV La fin du parcours.
A bord il y a M Germain Bouten, chef de train principal et M André Bartéhélémy, chef de train. Je les ai revus quelques jours plus tard à Avignon. Et, aux manettes de commandes, M Gabriel Seveyras, mécanicien de route. Nous bavardons un oeu, mais pas longtemps. Ils doivent, dans quelques minutes, être de retour à Apt. C'est là que je les reverrai, les ayant précédés par la route. Et comme les 4 CV de ma voitue vont plus vite que les six cents de leur monstre vert, j'aurai eu temps de faire connaissance avec M Roger Roux, le chef de gare d'Apt, un Orangeois qui naguère était à la S.N.C.F. à Morières. "Aujourd'hui, me dit il, nous faisons partir vingt quatre wagons, soit qautre cent soixante tonnes. Pour un samedi c'est un chiffre moyen. Sur ce total, un wagon part vers Paris. Il est chargé de conserves et six gagneront directement l'Angleterre où ils emmènent des cerises confites. Ces wagons sont facilement reconnaissables. On les a peints d'un emblème en forme d'ancre de marine. En outre, leur système de freinage est doublé. L'un est adapté aux convois français, l'autre aux réseaux britanniques qui utilisent pour leur "Westinghouse" une pression différente de la notre.
- Les marchandises vont dont être directement livrées au client anglais, sans aucun transbordement?
- Hé oui! Vous savez bien que pour le train, la Manche n'existe plus, grâce aux ferry-boats".
Une gare très active.
Il me faut peu de temps pour me persuader de ce que la gare d'Apt est une gare très active. Outre les conserves et les fruits confits, elle expédie (sans oublier les truffes venues de Sault, qui en ce moment même embaument le bâtiment principal) de l'ocre, de l'argile pour le colmatage des barrages, (qui sert également aux foreurs de puits de pétrole) des carbonates. Elle reçoit du sucre. "Au total, me dit M Roux, il y a à la gare d'Apt, un mouvement moyen de treize à quinze wagons par jour, dans chaque sens".
Une évolution inéluctable.
La locomotive diesel est arrivée et, pendant que M Seveyras la fait manoeuvrer, M Bouten nous a rejoints. Je suis justement en train de méditer une question difficile à résoudre. En effet, cette enquête, nous l'avons vécue ensemble, au jour le jour, ou presque. Si bien que parmi vous, lecteurs du Provençal, il s'en est trouvé un bon nombre pour m'écrire et m'apporter une utile coopération et parfois, pour modifier par des informations nouvelles, l'itinéraire qe je m'étais fixé. C'est ainsi que plusieurs lecteurs mont écrit, en substance, que des petits trains perdus il y en a d'innombrables dans le département. Car ce n'est pas seulement sur les secteurs où les voies ont été enlevées que des trains ont disparu. Sur les lignes secondaires où subsistent les convois de marchandises, combien demeurent au trafic des voyageurs? C'est à peu près cette question que je vais poser à mes interlocuteurs aptésiens. La réponse vous la connaissez, j'ai eu l'occasion de vous la citer, il y a quelques jours en vous parlant de la région valréassienne. "Pourquoi garder des trains de voyageurs sur des lignes où ils ne présentent plus une commodité suffisante. S'il faut un service de cars pour aller du village à la gare et c'est le cas en maints endroits, le plus simple n'est il pas d'instituer des liaison d'un village à l'autre, par autobus, aux horaires plus souples qui s'arrêtent aux coeurs de agglomérations, peuvent déposer un voyageur au bord de la route au plus près de chez lui ou le ramasser à une arrêt facultatif?" La réponse est logique. Est elle parfaitement valable? En de pareilles matières, où l'élément humain garde une importance primordiale, on peut se le demander.
Une enquête de Jean Boissieu. LE PROVENCAL décembre 1958. (AD Vaucluse).
La vie du rail Octobre 1971
La Marseillaise 21 juillet 1987
La vie du Rail 11 août 1999
Le Dauphiné libéré 12 avril 2009