LA LIGNE DE VILLENEUVE A SALON

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LA LIGNE D’AVIGNON A MIRAMAS VIA SALON...

Voici une ligne aujourd’hui importante, reliant Avignon et Marseille via Cavaillon et Miramas, dont la création et le développement se sont effectués par étapes successives. Tronc commun de la ligne des Alpes par Apt ou Pertuis et ligne de dédoublement de la grande artère Paris Lyon Marseille desservant au passage d’importants centres touristiques, agricoles et industriels, elle va connaitre au fil du temps une activité très importante. Perdant avec le temps ses activités vers les Alpes elle sera malgré tout renforcée et électrifiée dans les années 70 afin de devenir l’artère fret principale depuis la zone industrialo-portuaire de Fos sur mer.

Refaisons le voyage dans le passé...

LA GENESE

Dès 1852, devant l'avancement des projets de chemin de fer, de nombreuses études pour des lignes dites « secondaires » ou des embranchements à partir des lignes principales sont proposées par les administrations voire des particuliers. Près de mille kilomètres de lignes diverses sont à étudier en détail ou à concéder, dont une majeure partie concernant le sud du pays. Ces diverses concessions n'apportant pas, à priori, un intérêt économique immédiat, mais relevant plutôt de l'aménagement du territoire, les grandes compagnies, déjà aux prises avec d’importants investissements inhérents à la construction des artères principales, ne font pas faire preuve d'un enthousiasme démesuré à leur encontre. Les études tardent à commencer et les dossiers n'avancent finalement que très lentement. Des ingénieurs privés proposent toutefois leurs propres projets… Plus ou moins fantaisistes. Ainsi l’ingénieur Leblanc, propose-t’il en 1856, l’élaboration du « Réseau du Comtat Venaissin » à établir sur routes et… à traction animale! Ce « réseau » comporterait tel que défini dans le projet, une antenne vers L’Isle sur la Sorgue et Cavaillon.

Lorsqu'en 1857, les diverses compagnies du sud de la France fusionnent pour créer le P.L.M., la convention alors établie sous tutelle de l'Etat, impose à la nouvelle entité ainsi créée, la concession de divers de ces tronçons secondaires ou d'intérêt local. Ces concessions de peu de rapport et de surcroît pratiquement exemptes de subventions, sont imposées à la nouvelle compagnie en contrepartie de certains avantages accordés.

Il est, entre autres, question d'une ligne visant à desservir les Alpes (reliant Avignon et Gap), ainsi que d'un tronçon Toulon - Nice. Les tracés sont fermement imposés par l'Empereur Napoléon III, alors que le comté de Nice n'est pas encore rattaché à la France et que la côte d'azur n'est pas encore la destination privilégiée des voyageurs de l'époque. Mais le gouvernement souhaite, par le biais de ces constructions, relier France et Italie (où règne pourtant encore à cette époque une franche francophobie).

C'est donc à partir de 1857 que, faisant place aux vœux émis ici ou là et aux projets plus ou moins utopiques, des études "sérieuses" doivent être engagées par le P.L.M. en vue de la construction de ces lignes. Conformément aux impositions faites par l’Etat, la future ligne "des Alpes" est concédée à titre éventuel le 22 juillet 1858 avec décret d'approbation du 11 juin 1859. Charge à la compagnie de travailler sur les avant-projets. Elle est enfin déclarée d'Utilité Publique et de fait concédée définitivement, le 25 août 1861. En complément à la desserte des Alpes et de l'Italie, la construction de cette nouvelle ligne doit permettre au P.L.M. de "dédoubler" la ligne impériale déjà fortement chargée… Et stratégique. Un « embranchement » est donc à étudier en direction de Salon, Miramas et Marseille.

Le budget alloué est de 75 millions pour la section Avignon / Gap, 4 millions pour embranchement vers Miramas et 10.5 millions pour celui vers Aix en Provence (capital maximum, dont intérêt et amortissement à 4% est garanti par l'Etat pendant 50 années à partir de 1865).

Les études sont engagées par "tronçons".

Une première zone de travail concerne la profonde mutation de la gare Avignonnaise nécessaire à l’établissement de la ligne. Car une chose est sure, si le raccordement de la ligne des Alpes et de la ligne Lyon-Marseille se réalise bien en Avignon, la gare va devoir être entièrement… Reconstruite! Et on envisage dès lors de remplacer le modeste bâtiment par un édifice monumental.

La "grande frayeur" des Avignonnais...

Alors que les études ne semblent évoluer qu'à petits pas, une rumeur inquiétante parvient aux oreilles des Avignonnais. La demande émise par le conseil municipal d'Orange, pour que le raccordement de la ligne se fasse à Sorgues semble recevoir les faveurs de quelques instances dirigeantes. Aurait elle aussi les faveurs de la Compagnie...? Malgré les promesses faites par le P.L.M., les Avignonnais allaient-ils être trahis? Privés de "leur" gare monumentale? Malgré son statut de préfecture et des installations somme toute avantageuses, la ville d'Avignon ne possédant pas alors comme certaines autres villes importantes une vraie gare "monumentale".

Le projet initial de raccorder la ligne des Alpes dans cette ville devait lui permettre de combler cette lacune et d'obtenir un bâtiment plus en rapport avec le lustre affiché de cette préfecture. Malgré l'approbation des 25 octobre 1862 et 13 juillet 1863 pour la ligne Avignon - Cavaillon, le doute subsiste. La rumeur ne cesse d'enfler, au point que Paulin Talabot en personne doit, en octobre 1863, confirmer par voie de presse aux Avignonnais que rien ne sera modifié par rapport aux projets initiaux. Avignon restera donc le point de départ d'une ligne vers Gap, via Cavaillon et Pertuis.

Pour autant, les projets soulèvent une vague de protestations de propriétaires expropriés. Les transformations profondes de la gare d'Avignon, de ses abords et la construction de la ligne dans l'agglomération font l'objet d'études spécifiques et complètes. La voie, en remblai, coupera de nombreuses voies de communication, canaux d'irrigation et traversera tout l'est de l'agglomération. Une commission d'enquête est mandatée par la commune. Elle va étudier une à une les « protestations » consignées sur les registres par les riverains pour en vérifier le bienfondé. Elle remet ses conclusions au Conseil municipal en 1865. Peu de modifications sont finalement demandées par rapport au projet initial.

LA grande gare d’Avignon !… Avec ses bâtiments monumentaux de part et d’autre des voies, son immense marquise, son buffet, ses buvettes... La préfecture du Vaucluse et dotée d’une gare « à sa mesure » (à comparer avec l’image de la gare primitive. La commune fera percer une porte dans les remparts et construire une large avenue (la rue de la République) afin que les voyageurs soient immédiatement impressionnés au sortir de la gare.
Les voies de la ligne impériale sont placées sur la droite du quai central (sur l’image), les voies de la ligne de Cavaillon sur la gauche.

Seuls sont réclamés, "dans l'intérêt des passants et de la « morale », que les ponts sur routes (route de Tarascon et rue de Champfleury), placés de part et d'autre de la gare soient munis d'un « ciel ouvert » et éclairés par becs de gaz en période nocturne... Aux frais du P.L.M.". En effet, ces deux ouvrages vont devenir très larges de par l'adjonction de voies supplémentaires et donc très "sombres". Des personnes mal intentionnées pourraient s’y cacher pour y agresser les passants.

Sur la section Avignon-Cavaillon, les études de tracés sont au contraire relativement plus faciles.

Les autres sections, sont soumises à des études spécifiques et sont l'objet de nombreuses controverses quant au tracé à choisir. Pertuis et Apt se disputent âprement la venue du train… Par la vallée de la Durance ou celle du Coulon... Une véritable « bataille » des transluberonnais…

Le 25 octobre 1862, le décret d'Utilité Publique concernant les agrandissements de la gare d'Avignon est promulgué.

Cavaillon. Une gare largement dimensionnée eu égard à l’importante activité.

Le tracé entre Avignon et Lamanon est accepté le 13 juillet 1863. Par arrêté préfectoral du 28 mars, une enquête complémentaire, concernant le nombre et l'emplacement des gares, est ouverte en avril 1865 sur les communes d'Avignon, Saint-Saturnin, Jonquerette, Gadagne, Le Thor, l'Isle sur la Sorgue, Cavaillon et Cheval-Blanc. Les dossiers sont déposés en mairies du 2 au 9 avril, la commission d'enquête réunie entre les 24 avril et 2 mai suivants.

Par diverses décisions ministérielles du 28 mars et 2 août 1865, 23 juin 1866, 2 mars et 12 août 1867, les divers projets, dont ceux des lignes de Cavaillon à Gap et de Pertuis à Aix en Provence, sont approuvés et les terrains déclarés cessibles. Le 25 avril 1865, la commission d'enquête est réunie concernant le nombre et l'emplacement des futures stations. Le 14 août 1865, le jugement du tribunal d'Avignon prononçant les expropriations est rendu. Le 8 février 1868, le nombre et l'emplacement définitif des gares sont approuvé. Les terrains sont déclarés cessibles le 9 mai suivant. La compagnie va pouvoir passer à la phase de construction.

 Montfavet, premier établissement rencontré depuis le départ d’Avignon. Une architecture typiquement PLM. Un bâtiment des voyageurs à 3 portes (qui a reçu des annexes) avec abri de quai, édicule d’aisances et en arrière-plan la halle pour les marchandises. Le train arrive de Cavaillon…

Et la gare dans les années 60/70. On aperçoit l’autorail qui entre en gare mais aussi, la marquise au-dessus du quai (la ligne n’est pas encore électrifiée) et le poste de signalisation dans la petite annexe.

 

La mise en exploitation...

Après de longs mois de travaux, la ligne est ouverte à l'exploitation par tronçons successifs

  • Le 29 décembre 1868, les trains roulent d'Avignon à Cavaillon sur une voie unique. Puis
  • Poursuivent leur chemin jusqu'à Pertuis (qui a remporté la première manche de la bataille des transluberonnais) en novembre 1872.
  • Parviennent à Miramas (Constantine) le 26 mai 1873.
  • Et enfin, empruntent l’embranchement vers Apt (qui finalement est elle aussi pourvue d’une gare de chemin de fer, comme Pertuis son ancienne rivale) en février 1877.

A l’origine et pour plusieurs décennies, la ligne est à voie unique de bout en bout. Mais, comme c’était souvent l’usage, la compagnie prévoyante avait dimensionné ses acquisitions et ses ouvrages en vue d’une ligne à double voie.

Morières. Une gare modeste. Sa position en léger surplomb lui vaut de bénéficier d’un parvis avec un escalier d’accès. La gare des marchandises est placée de l’autre côté des voies.

Le viaduc métallique sur a Durance entre Cheval-Blanc et Orgon. De 313 mètres de long il est assez similaire à celui sur le Rhône à Avignon.

 

Descriptif technique…

 

(un clic pour l'image en grande taille)

La ligne prend son origine au P.K. 0,547 (Le P.K. 0,000 est situé en réalité face au B.V. d'Avignon.), embranchée au P.K. 748,800 de la ligne impériale de Paris à Marseille. De celle-ci, elle partage la plate-forme vers le nord de la gare durant quelques centaines de mètres, puis s'en sépare. Elle prend alors sa direction particulière vers l'est et assure dans sa première partie la desserte de l'important dépôt des locomotives.

La ligne court ensuite tout au long de celui-ci et entre dans la zone du triage de Fontcouverte. Elle y dessert de nombreux embranchements, y compris celui de la gare des Trains Auto Accompagnées et du Marché d’Intérêt National. Après la traversée du P.N. 2 (maintenant supprimé) marquant la fin de la gare de triage, elle entre, en léger remblai, dans une zone agricole et se dirige plein Est vers la gare de Montfavet (P.K. 5,734). Dans cette plaine, la ligne court en faible rampe jusqu'à Saint-Saturnin.

La tranchée profonde avant l’entrée du souterrain, du côté de Saint-Saturnin.

Après avoir quitté Montfavet, le tracé s'infléchit vers le nord pour contourner le village et atteindre la gare de Morières (P.K. 8,976). Le trajet est effectué la plupart du temps en remblai et les diverses voies de circulation rencontrées sont croisées en passage supérieur. Peu après Morières le tracé reprend sa direction initiale vers l'Est pour accéder au souterrain de Saint-Saturnin. D'une longueur de 999 mètres il est l'un des rares ouvrages de ce type existant en Vaucluse (l'un étant situé entre pertuis et Mirabeau l’autre sur la ligne TGV à Caumont), et un des ouvrages majeur de cette section (avec le viaduc d’Orgon). Dès la sortie de celui-ci, dans une courbe de grand rayon, la ligne atteint la gare de Saint-Saturnin (P.K 15,416), située légèrement à l'écart du village et en surplomb. La ligne atteint ici son point culminant. Au-delà, c'est en pente faible de 5mm/m que se continue le voyage. Toujours en remblai la ligne se dirige sur son étape suivante, obliquant légèrement vers le Sud-Est. Elle traverse successivement les gares de Châteauneuf de Gadagne (Au P.K 17,178), le Thor (P.K 18,876) avant de retrouver la ligne en provenance d'Orange dans les emprises de l'importante gare de L’Isle sur la Sorgue / Fontaine de Vaucluse (P.K 23,241). Au sortir de la gare, une courbe prononcée donne à la ligne une direction Nord-Sud quasi verticale et c'est ainsi qu'elle se dirige sur Le passage à niveau du Petit-Palais (P.K. 28,241) où se trouvait autrefois une halte et enfin vers Cavaillon (P.K. 32,888) qu'elle atteint après avoir franchi le Coulon et de nombreuses voies de circulation. C'est dans cette gare que s'effectuait le raccordement avec la ligne d'Apt dont il reste encore un appendice. Poursuivant dans une direction toujours inchangée, la ligne rejoint Cheval-Blanc (P.K. 36,367), où se détache l'embranchement desservant Pertuis (et la base travaux de Cheval-Blanc) puis quitte, peu après, le territoire du Vaucluse en traversant l'imposant viaduc métallique de 313 mètres sur la Durance et atteindre Orgon sur l'autre rive.

(un clic pour l'image en grande taille)

Plan de la gare de Cavaillon en 1875. Pour le moment la ligne est encore à voie unique, mais on aperçoit le départ de la bifurcation vers Apt. On aperçoit également le « dépôt » avec son pont tournant et la remise, ainsi que l’atelier des voitures de l’autre côté de la gare.

 

1971 - Prescriptions techniques de la ligne

 

Le dépôt des locomotives de Cavaillon…

Avec les ouvertures successives de lignes secondaires le PLM doit installer des dépôts pour les locomotives en divers points de son réseau. Ce sont des établissements plus ou moins importants que l’on trouve à chaque extrémités des lignes et dans lesquels les locomotives peuvent être nettoyées, ravitaillées, retournées, remisées et dans lesquels les menues réparations peuvent être effectuées. Ainsi donc le grand dépôt avignonnais ouvre-t’il une « annexe » à Cavaillon. Il est équipé d’un pont tournant, d’une remise à 3 voies parallèles, d’un château d’eau de 300m3 et installations hydrauliques connexes, d’une lampisterie, quai à combustibles ainsi que locaux pour le personnel de conduite. Le dépôt reçoit les machines de la ligne d’Apt et Pertuis mais ses machines sont susceptibles de se rendre jusqu’à Orange via l’Isle sur la Sorgue ou Miramas.

Une partie du roulement 809 du dépôt de Cavaillon, annexe d’Avignon en 1940. Certains trains sont à destination d’Orange. La 040T assure les manœuvres et une 230 est en secours.

Une 040 en fin de carrière au triage d’Avignon Champfleury. Ce même type de machine était affecté à Cavaillon.

L’ancienne remise de L’Isle sur la Sorgue.

Locomotive 220 C dite « coupe-vent ». Ces machines « modernes » déclassées des grands express ont été employées sur les lignes secondaires.

Plusieurs séries de machines sont engagées sur ces lignes et affectées au dépôt de Cavaillon. Ce sont, entre autres séries, les antiques 030 « Mammouth » et « Bourbonnais », des 120 puis des 121 pour les trains de voyageurs. Dans les années vingt ce sont des 220 « coupe-vent » ou les 130 A qui prennent en charge les trains de voyageurs, des 040 prussiennes ou des 140 E pour le trafic des marchandises, une 030 ou 040 T pour les manœuvres. Puis enfin des 230 A pour le service mixte vers Orange, Apt ou Pertuis.

Dans les années 30 Cavaillon devient annexe de Miramas.

Après la libération, l’établissement revient dans le giron d’Avignon mais à partir des années 50 ne possède plus de machines affectées en propre.

Ce sont les omniprésentes 140 J puis 141 R d’Avignon et Miramas qui clôturent l’ère de la traction à vapeur.

On notera que Cavaillon possédait en complément une remise/ateliers pour les voitures et que la gare de l’Isle sur la Sorgue possédait également une petite remise.

L’établissement de Saint- Saturnin. La gare est dimensionnée pour un trafic plus important. Elle est pourvue d’un bâtiment des voyageurs de grande taille. En arrière-plan plusieurs trains garés sur les voies de la gare des marchandises.

           

 La gare du Thor est elle aussi largement dimensionnée. Durant une longue période, il y aura même au Thor deux gares… La gare proprement dite et une gare réservée aux expéditions de fruits dite gare « du Maroc ».

 

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03/11/2015
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