LES GRANDES GREVES CHEMINOTES (2)..
66
Après avoir présenté la grande grève cheminote de 1910, retournons planter notre caméra à remonter le temps... juste à la fin de la grande guerre...
L'armistice de 1918 laisse le réseau dans un état d'épuisement total, comme d'ailleurs le pays tout entier. Le chemin de fer est donc mis à nouveau à contribution. Le 2/02/1919, le décret rendant aux Cies. leur autonomie d'avant guerre paraît. Mais la situation est délicate. Le charbon manque, les bras également, quant au matériel et aux infrastructures, ils sont à bout de souffle... Les marchandises, dont le pays a cruellement besoin ne peuvent être transportées, faute de matériel et de personnel. Quant aux Cies. leurs finances sont exsangues. Elles tentent, à grand renfort de hausses de tarifs de combler un déficit endémique. Ce qui provoquent, par réaction, "La ruine de l'industrie et de l'agriculture". Industriels et paysans ne peuvent obtenir des wagons pour expédier leurs marchandises et quand, par bonheur, des moyens leurs sont alloués, les tarifs rendent leurs productions invendables.
L'après guerre est aussi une période de troubles sociaux importants. La fin du conflit n'a pas ramené la "paix civile". Avignon est une cité où "s'affrontent" de multiples idéologies politiques. Le Vaucluse fait partie de la vingtaine de départements qui possédaient avant guerre une fédération socialiste regroupant plus d'un millier d'adhérents. D'autre part s'y trouvent de nombreux casernements où séjournent le corps expéditionnaire en transit (certains régiments engagés dans les pays de l'Est se mutineront au front en 1919). Avignon est une place cheminote importante (Estimation de 8 000 cheminots sur 48 000 habitants vers 1921..). Les cheminots sont également fortement syndiqués. Regroupés au niveau du logement dans un ensemble de prés de 2 000 âmes, très solidaires, centrés essentiellement autour du dépôt et de la gare, ils sont particulièrement actifs dans les luttes sociales de l'aprés guerre. Le 25/01/1919, ils participent à une grève "surprise" déclenchée sur le réseau, pour réclamer la journée de travail de 8 heures. Le mouvement déborde sur d'autres corps de métiers et provoque quelques échauffourées, puis s'éteint. Il reprend, au niveau ferroviaire, le 21 juillet suivant, dans le cadre d'une action pour le désarmement et contre l'intervention française armée en Russie. Mais le mouvement est arrêté par la fédération nationale, à la grande déception des cheminots Vauclusiens. Le cours de la vie reprend peu à peu... Mais...
Après 1919, 1920 est l'année d'un violent mouvement. La hausse du coût de la vie, qui n'est pas compensée par les allocations exceptionnelles versées par l'Etat, les réorganisations du travail en vue d'accroître les rendements et la forte ingérence de l'Etat dans les affaires des Cies. ont modifié l'état d'esprit des cheminots... Qui n'ont pas oublié l'échec de 1910.
Les événements qui vont se dérouler en mai 1920, au delà d'une simple grève corporative, vont constituer une véritable tentative d'action "révolutionnaire" resteront un tournant dans les relations patronat/monde ouvrier. Limitons nous ici, à une présentation générale en précisant les éléments spécifiquement vauclusiens. Le mouvement se déroule en plusieurs phases.
Un premier "incident" se déroule aux ateliers de Périgueux en janvier 1920. Pour un motif futile, les ouvriers se mettent en grève. Devant l'intransigeance de la Cie. le mouvement se répand à l'ensemble du réseau P.O.. Il s'éteint au bout de quelques jours... Un second "incident", prélude à la grande grève, débute ensuite en région parisienne sur le P.L.M.. Le 19 février, le délégué syndical Jean-Baptiste Campanaud est sanctionné par la Cie. (mise à pied de 48 heures) pour s'être rendu sans autorisation à un congrès syndical. Deux autres délégués, Célestin Veyrun d'Avignon et Honoré Séméria de Nice connaissent la même sanction pour les mêmes raisons. Malgré les demandes de l'Union Syndicale la Cie. confirme, le 23, la sanction. Les cheminots des centres concernés lancent un mouvement qui fait tâche d'huile du 20 au 25 février. Ils sont rejoints dans l'action par le personnel de la province les 24 et 25 (Avignon 23, Cavaillon 25, etc..), puis sur les autres réseaux les 26-27. Dans le sud, Avignon est en pointe de la contestation. La grève est suivie dans les "petits" établissements comme Orange ou Pertuis. Ces deux dépôts présentent 40% et 55 % d'agents grévistes. Les sanctions qui ont été prises par la Cie. contre les 3 cheminots (dont 1 Avignonnais, rappelons le) sont le "prétexte" officiel à la grève, mais diverses revendications salariales s'y rajoutent. Elle affecte pratiquement la moitié du personnel voire 80 à 90 % pour certains établissements. Les cheminots sont enfin "invités" par les syndicats (surpris et dépassés par l'ampleur du mouvement, alors qu'ici également le motif de départ est assez léger et le blâme probablement justifié) à cesser le travail où qu'ils se trouvent... Sur les machines, dans les dépôts ou dans les postes d'aiguillage et de signalisation. Dans plusieurs villes du Sud-Est (Avignon, Marseille, Miramas, Arles, etc.) toute activité ferroviaire est suspendue.
Les cheminots en grève réunis devant le palais des Papes... (AD Vaucluse)
A Avignon, dès la première semaine la bourse du travail, les rotondes, la gare et "l'APPOLO Théâtre" sont investis par les grévistes. Ils y tiennent réunions et y prononcent de nombreux discours, dont le ton est de plus en plus enflammé au fur et à mesure que les jours passent. Dans le même temps, le trafic est quasi nul.
Situation officielle du 26 au matin (bureau du Préfet): - Orange GV: Pas de grévistes dans les bureaux. - Piolenc: 5 personnels grèvistes sur 6 à l'effectif. Situation officielle du 27 au matin (bureau du Préfet):
- Orange : Situation similaire à celle de la veille. Quelques reprises sporadiques. U
6 personnels de quai (1/2 effectif) en grève.
Postes de Block assurés jusqu'à la relève.
- Orange Annexe traction: Effectif officiel 1 chef + 28 employés dont 11 MECRU ou CFRU.
4 roulants et 6 employés en grève.
- Orange Sce voies: 11 personnels grévistes sur 12 à l'effectif.
- Mornas: 5 personnels grèvistes sur 6 à l'effectif.
- Ligne O.L.B.: pas de grévistes.
- Ligne Pierrelatte à Nyons: pas de grévistes.
- Apt: Reprise du travail à 12 heures.
Dans l'ensemble la grève se déroule dans le calme.
- Ligne O.L.B.: pas de grévistes.
- Ligne Pierrelatte à Nyons: pas de grévistes.
- Devant l'actionnaire despote
- Tu oses enfin lever le front
- Cheminot enfin tu te révoltes
- Voulant ton émancipation...
La ville est en état de choc. Craignant un débordement de violence, le Préfet fait retirer toutes les armes des vitrines des armuriers de la ville et réclame l'intervention de la troupe. Gare et dépôt sont placés sous surveillance de l'armée. Des soldats sont postés le long des voies. On en place aussi dans les gares. Sorgues, Moriéres, Villeneuve-Pont d'Avignon... Reçoivent des détachements militaires (le 25: 100 hommes à Avignon, 25 à Pont d'Avignon, Cavaillon et l'Ardoise, 20 à Orange, 18 à Morières, 10 à Sorgues, l'Isle/Sorgue, Bollène...). Le 28 février, l'ordre de réquisition est diffusé. Les cheminots sont conduits dans les casernes pour y toucher un uniforme! Une manifestation d'envergure se déroule, dans le même temps, aux arènes de Bagatelle. Certains cheminots refusent d'obtempérer. Ils sont révoqués sur le champ, alors que plusieurs leaders syndicalistes sont arrêtés (dont le cavaillonnais René Bedeaux (révoqué le 28) ou les Avignonnais Charles Francion (arrêté le 29) et Dussaix) sous le motif "d'incitation de militaires à la désobéissance". Bedeaux, délégué C.G.T., employé au service de la voie, est considéré comme un sujet "dangereux pour la paix sociale", "beau parleur". Il mène propagande dans les gares de la région même jusqu'à Salon de Provence ou Orange! Il n'hésite pas à prendre des mains de ses camarades, les ordres de mobilisation qui leurs ont été distribués... Les esprits s'échauffent dangereusement. Des bruits alarmistes circulent à Avignon au sujet de soit-disant armes cachées, qui pourraient "surgir" si le syndicaliste incarcéré n'était pas libéré.
Situation officielle du 28 au matin (bureau du Préfet):
- Cavaillon : 57 grévistes à l'exploitation... 21 ordres de mobilisation envoyés, 1 seul agent a obtempéré. Situation officielle du 29 au matin (bureau du Préfet): - Carpentras : 4 reprises. Situation officielle du 31 au matin (bureau du Préfet):
- Avignon : Réunion à la Bourse du travail. Des orateurs, venus de Paris, incitent à continuer la grève "à outrance".
45 grévistes à la traction... 6 ordres de mobilisation envoyés, 1 seul agent a obtempéré, 2 ont refusé, 3 ont repris le travail.
5 grévistes à la voie.
4 trains partis vers Avignon, Apt, Pertuis et Orange.
- Carpentras : 11 employés ont cessé le travail.
- Avignon Exploitation: 6 reprises du travail.
- Avignon Traction: 50 % de grèvistes. ordres de réquisition distribués => 10 reprises.
- Avignon Sce de la voie: Grève totale.
Le Régiment du 7 eme Génie garde les voies et la gare d'Avignon. Le 58 eme Régiment d'Infanterie se charge de la ligne Avignon/Cavaillon.
- Monteux: 4 personnes en grève.
- Entraigues : 3 employés en grève.
- Avignon : arrestation de Charles Francion.
|
Mais la grève est inégalement suivie dans les régions et au sein même des diverses "corporations" du chemin de fer (employés de bureaux, lignes O.L.B. et Pierrelatte à Nyons). Ses fondements, essentiellement politiques, font également qu'elle est mal ressentie par l'opinion publique. Elle est, également, durement réprimée par l'Etat et la Cie. (près de cent cheminots vauclusiens révoqués). Aussi, le mouvement s'essouffle-t il. Les premières défections entraînent quelques incidents en gare entre grévistes et "jaunes". Le 2, des non grévistes, juchés sur un wagon insultent des grévistes depuis le pont de Monclar... Les insultes fusent mais aussi... Vieilles boîtes de conserve trouvées sur la voie! Finalement, le mot d'ordre de grève est levé pour le 1 mars sur un compromis signé entre les Cies, l'Etat et les syndicats. Mais la reprise est lente et difficile, d'autant que certains ne croient pas en l'ordre de reprise... Quant aux représentants syndicaux révoqués, ils se retrouvent fort déconfits lorsqu'on leur refuse l'accès au dépôt pour des négociations... Le mouvement se poursuit, par exemple, en Avignon où il est encore suivi par prés de la moitié des cheminots. Ils se sont donné pour objectif la libération d'un de leurs camarades. C'est le 4 mars que celui ci recouvre la liberté. Il défile le jour même, dans la rue de la république, en tête d'un cortège imposant, drapeaux au vent, au son de l'Internationale. Le travail reprend le soir même à partir de 20 heures.
Les cheminots de Cavaillon... venus pour la photo en famille.
Collection Viala.
Situation officielle du 1 mars au matin (bureau du Préfet):
- Orange : 2 réunions dans la journée. 7 reprises.
16 grévistes sur 20 n'ont pas répondu à l'ordre de mobilisation.
- Avignon : Situation peu changée. 20 retours à l'Exploitation. 21 retours du dépôt mais 26 défections.
Situation officielle du 2 mars au matin (bureau du Préfet):
- Avignon : Légère amélioration de la situation: 40 reprises au dépôt, 20 à l'Exploitation.
Situation officielle du 3 mars au matin (bureau du Préfet):
- Orange : Reprise complète le matin, mais nouvelles défections l'aprés midi.
- Avignon : Pas de reprises.
- Cavaillon: Pas de reprises. Demandent la libération de leur camarade.
Mais mis à part ce point de détail rien n'est réglé en profondeur. Malgré tout l'Etat, les Cies. et même les syndicats cheminots ont été surpris et dépassés par la violence de ce mouvement. Les centrales syndicales, elles mêmes, perdent une grande part de la confiance de leurs adhérent ce qui pousse certains au désespoir (le secrétaire du syndicat des Arcs se donne la mort) et beaucoup d'autres vers des positions extrémistes. Les sanctions prises contre de nombreux cheminots (révocations, voire sanctions judiciaires), les souhaits de grève générale, voire d'une véritable révolution, non aboutis et le compromis lui même, signé le 1 mars, ont laissé les hommes déçus et amers. Les braises restent chaudes et le "feu" ne demande qu'à reprendre. Mais cette fois ci la donne est différente, il n'y a plus rien de spontané dans le mouvement. Une volonté jusqu'auboutiste existe de chaque côté. D'une grève corporatiste, nombreux sont ceux parmi les cheminots, voire parmi les travailleurs en général, qui souhaitent la transformer en grève insurrectionnelle. Quant aux compagnies et à l'Etat, non seulement ils se préparent cette fois à un nouvel affrontement, mais le souhaitent. La victoire écrasante qu'ils espèrent sur les cheminots leur permettra de briser, et pour longtemps, toute tentative de prise de pouvoir ultérieure par les ouvriers et d'anéantir l'influence des syndicats. Ainsi donc se préparent chacune de leur côté, chacune à leur manière, les deux forces qui vont devoir s'affronter dans un duel sans merci. Mais alors que les syndicats cheminots et ouvriers sont hésitants, troublés et divisés par des querelles intestines, les Compagnies fourbissent leurs armes. Elles élaborent un plan de mesures disciplinaires. Elles forment des volontaires pour assurer le moment venu la circulation des trains. Volontaires qui affluent de tous horizons (jeunes étudiants de grandes écoles, administrations, banques, particuliers, anciens cheminots, anciens militaires...). Elles recrutent, en prévision toujours, des anciens combattants de la grande guerre "défenseurs de l'ordre public". Elles financent une "police civile" de volontaires, "L'Union Civique" (sous la bienveillance de l'Etat). Elles s'assurent, enfin, du soutien de ce même Etat, par le biais de la collaboration des forces de l'ordre et de l'armée, ainsi que par l'arsenal judiciaire. Etat qui, de son côté, se charge de stocker des vivres, du carburant, de l'huile pour moteurs, du charbon, en divers points du territoire. Etat qui, également, recense le matériel public et privé pouvant assurer des transports (autobus, camions, automobiles particulières, motocyclettes, vélos, véhicules hippomobiles) en vue de sa réquisition... De son côté, la nouvelle direction de la fédération des Chemins de Fer, élue au congrès de Paris du 22 au 24 avril est favorable au déclenchement de la grève... Tout est en place, l'action peut commencer...
GRAINES ET GRAINS EN GROS. EXPORTATION ALBERT SIMON En présence de la nouvelle menace de grève, et pour le cas où les misérables agents des boches réussiraient à antrainer le personnel des services publics, je viens très simplement, comme lors de la dernière grève, vous offrir, mes services et ceux des miens. M le Préfet,
Vu la nouvelle phase de la grève des cheminots qui commence aujourd'hui, je viens mettre à votre disposition afin d'aider de mon mieux le gouvernement pour conjurer la crise que nous traversons. Albert Ferté, Cours Bournissac, Cavaillon.
-
Maison Eugène SIMON, fondée en 1871
Sorgues le 29 avril 1920
1° Moi même, Simon Albert, 60 ans, très solide, bon à toutes besognes, tramways ou service de gare, même pour porter des bagages.
2° Mon fils, Simon Eugène, 23 ans, mutilé, décoré de la croix de guerre, très vaillant, très solide avec la main droite qui lui reste.
3° Ma voiture automobile 12 HP Grégoire, conduite par mon fils.
4° Mon camion Automobiles Peugeot 3 T, conduit par mon chauffeur.
5° Le dit chauffeur, Gilles Jules, 35 ans, ayant fait toute la campagne, excellent mécanicien, très alerte.
6° Mon contre maitre d'usine, Olivier Joseph, à mon service depuis 15 ans, spécialiste électricien, 42 ans.
Tous deux m'ont offert leur concours spontanément. je serai heureux si vous voulez bien faire appel à nous, en cas de besoin et vous montrer les services que nous pourrion rendre.
Votre dévoué.
Je suis élève de l'Ecole Spéciale des Travaux Publics, où je suis les cours d'Ingénieur électricien. J'ai quelques peu de pratique et ce sera avec plaisir que j'accepterai un emploi correspondant à mes capacités, soit à la Cie. P.L.M., soit dans une autre service public, jusqu'à la fin de la grève. J'ai plusieurs de mes camarades qui sont employés à la gare de Marseille et qui sont chargés soit de la conduite d'un chariot électrique, soit d'une grue électrique.
Je suis à Cavaillon, mais je me déplacerai volontiers dans n'importe quelle ville du département où ma collaboration pourrait être utile.
Agréez; Monsieur le Préfet, mes respectueuses salutations.-
Lever de rideau...
Le mouvement est donc relancé le 1 er mai. Quoi que moins suivie que celle de février, la grève prend dés le départ une plus grande ampleur. Elle s'étend rapidement à d'autres corps de métiers et prend un tournant plus insurrectionnel (les meneurs demandent d'aller jusqu'à la révolution!). Les cheminots s'en prennent "au traître Millerand". Ils réclament la nationalisation des chemins de fer. Le 1 mai, les halles de la place Pie sont envahies par les manifestants. Le 2, la grève "officielle" débute (le 1 est traditionnellement chômé). Un cliché pris sur le parvis le 3 mai 1920, deuxième jour de grève, démontre la formidable mobilisation des hommes du rail (Avignon 450 grévistes sur 1185 à la traction, 40 grévistes sur 150 à la voie, 50 grévistes sur 163 au service des trains, 44 personnes sur 55 à la gare). Dés réunions se déroulent fréquemment à la Bourse du Travail ou l'APPOLO théâtre, où des délégués venus de Paris, Arles ou Marseille viennent haranguer les foules. Mais, face à cette mobilisation, les compagnies appliquent méthodiquement et graduellement leur plan. Dés les premiers jours de nombreux trains roulent, conduits par les élèves volontaires de grandes écoles (2100 sur le réseau P.L.M.), par des agents restés fidèles, notamment des cadres, voire par des retraités et des volontaires... De violentes bagarres opposent, en gare, grévistes et "jaunes". Les Cies. assurent, avec l'aide des forces de l'ordre, la protection de ses volontaires... Elles sauront également "motiver" ces personnels, par diverses primes, facilités de circulation et autres encouragements. L'action rebondit et s'étend aux travailleurs du textile, du bâtiment, des mines, aux conducteurs de tramways, aux employés du gaz, aux confituriers d'Apt... Alors que des gendarmes ou des vieillards volontaires font office de wattmen!
|
A l'inverse, les agents grévistes sont sanctionnés. Les sanctions sont progressives au fur et à mesure que les jours passent: D'une simple retenue sur salaire, jusqu'à la révocation en passant par la suspension des facilités de circulation et au blocage de l'avancement pour une période plus ou moins longue... Les forces de l'ordre interviennent à leur tour. Le 4 mai, Albert Layalle est arrêté. Le 7 mai, des grévistes tentent d'entrer en force dans le dépôt d'Avignon. Ils sont refoulés par les gendarmes à cheval et des militaires. Le 7, également, un cheminot est arrêté... En possession d'un revolver! Le 11, des incidents sérieux éclatent rue Carreterie. Toute le ville est finalement concernée par un déchaînement de violence. L'armée intervient violemment, le 14 mai, à la Bourse du travail gardée par des cheminots grévistes. La porte est enfoncée. Une perquisition est opérée. Les fosses d'aisances sont même vidangées! La police recherche une éventuelle cache d'armes! Un militant cheminot est arrêté. La presse s'empare de l'événement... Police et armée ayant investi la bourse du travail, c'est au palais de Papes, que plusieurs centaines de grévistes se réunissent. Mais la répression sévère, les arrestations, l'action des volontaires, les divisions parmi les syndicats ouvriers et certains avantages obtenus par diverses corporations, font s'effriter le mouvement. Le 24 une faible reprise commence. Une quinzaine d'agents reprennent le travail en Avignon... Le 26 mai, 600 cheminots et de nombreux ouvriers du textile, sont encore en grève. Les réunions sont houleuses. Mais les révocations pleuvent maintenant. La Cie. renvoie prés d'une centaine de cheminots vauclusiens!
|
Le mouvement prend fin le 29 mai, dans la plus totale confusion et le plus grand des désarrois... Les grèves de 1920 sont ressenties comme un fiasco retentissant. Ceci provoque une rupture au sein des groupes syndicaux et une désertion, pour ne pas dire une défiance, de la part des ouvriers. Elles resteront longtemps un traumatisme important pour la classe ouvrière. Quant aux cheminots, beaucoup souffriront de longs mois durant de la perte de salaire occasionnée par prés d'un mois d'arrêt de travail. Pour les révoqués (dont Célestin Veyrun et son fils, jeune apprenti de 16 ans) la situation sera encore plus difficile, car il leur sera très difficile d'être réembauchés, les employeurs refusant systématiquement leurs candidature, par "solidarité" avec les Cies.. Certains licenciés, logés par la compagnie, devront également quitter leur habitation. Plusieurs agents sont même poursuivis en justice. Quant au P.L.M., il aura profité de ces événements, pour fermer certains grand ateliers (tel est cas de celui d'Arles qui ne retrouve qu'une partie de son activité) et transférer leur activité au privé. Elles auront précipité, malgré tout, l'adoption du statut du personnel cheminot, envisagé depuis 1918, et dont l'application provoque un fort accroissement de l'effectif. De plus, le nouveau statut des cheminots leur accorde un congé annuel de 15 jours s'ajoutant aux repos hebdomadaires, fixe les diverses modalités de recrutement, de droits en cas de maladies, de représentation syndicale, de retraites etc.. Le nouveau statut prend place à l'été 1920.
Fonction | Date sanction | Motif | Sanction | |
Alzéar Pierre | Elève mec | 18/5 | Refus service | Révoqué |
Aiglon henri | MECRU | 22/5 | Refus service | Suspendu |
Allemand Henri | Stagiaire manoeuvre | 22/5 | Entrave liberté travail | Congédié |
Beziat Michel | Stagiaire manoeuvre | 10/5 | Entrave liberté travail | Congédié |
Bourguet Louis | Stagiaire ouvrier | 26/5 | Entrave liberté travail | Congédié |
Blanc Aimé | Stagiaire ouvrier | 26/5 | Entrave liberté travail | Congédié |
Bonnefoi Albert | Stagiaire manoeuvre | 22/5 | Refus service | Suspendu |
Bouteloup Victor | Stagiaire manoeuvre | 22/5 | Refus service | suspendu |
Bourdet Philippe | Stagiaire manoeuvre | 22/5 | Refus service | suspendu |
Chomat Claude | MECRU | 15/5 | Refus service | Révoqué |
Chabrol Alfred | Ched de brigade ouv | 18/5 | Refus service | Révoqué |
Combe Lazare | Stagiaire manoeuvre | 10/5 | Entrave liberté travail | Congédié |
Chalon Charles | Stagiaire manoeuvre | 22/5 | Refus service | suspendu |
Delivert Vital | Stagiaire manoeuvre | 22/5 | Refus service | suspendu |
Delmas jules | Coketier | 22/5 | Refus service | suspendu |
Delauzun Joseph | Coketier | 22/5 | Refus service | suspendu |
Fyot Barthélémy | Apprenti ajusteur | 30/4 | Refus service | Congédié |
Fouquet Louis | Stagiaire ouvrier | 22/5 | Refus service | suspendu |
Faure françois | CFRU | 22/5 | Refus service | suspendu |
Gaillard Joseph | Stagiaire manoeuvre | 21/5 | Entrave liberté travail | Congédié |
Goudard Paul | Stagiaire manoeuvre | 22/5 | Refus service | suspendu |
Geny Gabriel | Stagiaire laveur | 22/5 | Refus service | suspendu |
Horard Léon | ouvrier | 10/5 | Refus service | Révoqué |
Layale Albert | manoeuvre | 11/5 | Entrave liberté travail | Révoqué |
Lacour Emile | Stagiaire manoeuvre | 22/5 | Refus service | suspendu |
Montjal Cyprier | Visiteur | 10/5 | Refus service | Révoqué |
Mathieu Emile | Stagiaire manoeuvre | 22/5 | Refus service | suspendu |
Martino Joseph | Stagiaire manoeuvre | 22/5 | Refus service | suspendu |
Noiray Marius | Stagiaire manoeuvre | 22/5 | Refus service | suspendu |
Pontaud marius | Elève mec | 11/5 | Entrave liberté travail | Révoqué |
Pastre Pierre | MECRU | 26/5 | Entrave liberté travail | suspendu |
Rancou paul | Stagiaire manoeuvre | 22/5 | Refus service | suspendu |
Ranguis Julien | MECRU | 22/5 | Refus service | suspendu |
ST Martin Georges | Stagiaire manoeuvre | 22/5 | Refus service | suspendu |
Valette Léon | MECRU | 10/5 | Refus service | suspendu |
Veyrun Célestin | Aide ouvrier | 30/4 | Refus service | révoqué |
Veyrun Louis | Apprenti ajusteur | 22/5 | Refus service | Congédié |
Velay Auguste | Stagiaire ouvrier | 22/5 | Suspendu | |
Mme Fesquet née Peytral | manoeuvre | Congédié | ||
|
En 1924 le gouvernement Herriot propose une loi d'amnistie pour les révoqués de 1920. Acceptée par les Cies. le 30 octobre, en échange de divers avantages octroyés par l'Etat. Les agents souhaitant être réintégrés ont 2 mois pour en faire la demande. Elle sera étudiée par les Cies.. De nombreux révoqués reviennent alors au chemin de fer (mais souvent dans des postes subalternes ou très difficiles)... Une nouvelle "fournée" de réintégrations est réalisée à partir de l'accord du 4/07/et 1933!
La situation tarde toutefois à redevenir normale. Le déficit est apparu sur l'ensemble des Cies.. Le passage à la journée de travail de 8 heures en 1919, les nouveaux statuts et les grèves de 1920, ont encore fragilisé "l'édifice". L'Etat se voit finalement contraint, en 1921, à renégocier la convention de 1883 ne répondant plus à la situation d'après guerre. L'Etat s'engage à prendre en charge les dettes de guerre contractées par la Cie. du NORD et du P.L.M.. Il s'engage à prendre en charge le rétablissement du réseau. En échange, les Cies. doivent s'unir et verser dans un fonds commun destiné à assurer une solidarité inter-réseaux. Elles n'en augmentent pas moins leurs tarifs. Ceci n'est pas sans ralentir la reprise économique! Elles poursuivent, également, leur politique d'économies (avec l'accord de l'Etat). Elle se traduit par des licenciements massifs: 25 000 agents entre janvier/juillet 1921. 50 000 au total fin 1922...
|
Du coté social, les grèves provoquent une véritable "explosion" des représentations syndicales. Plusieurs syndicats se partagent un nombre fluctuant de sympathisants. Mais, malgré ces divisions et querelles, les représentants des ouvriers et employés des Cies. de chemin de fer, ont à faire face à une politique de leurs employeurs et de l'Etat particulièrement sévère. L'aspect le plus visible de ce redressement à marche forcée est le licenciement massif de cheminots. Prés de 25 000 d'entre eux perdent leur emploi dans les 6 premiers mois de 1921, 50 000 au total, fin 1922. Le ministre Le Trocquer fait également voter un décret (14/09/1922) visant à augmenter la durée du travail et à supprimer les 15 jours de congés payés. Plusieurs manifestations rassemblent des centaines de cheminots, notamment à Marseille. Le décret Le Trocquer est finalement rapporté par le décret Peytral, en 1925. Les 8 heures de travail et les 15 jours de congés sont rétablis. Parallèlement, les rémunérations sont au coeur des revendications du début des années 20. La Cie. accepte certaines augmentations qui couvrent à peine la hausse, rapide, du coût de la vie. Les cheminots obtiennent, toutefois, divers avantages concernant les retraites et assurance sociale. Le 16/04/1920, est adoptée la péréquation des pensions sur le traitement des fonctionnaires. En avril 1926, les 3 caisses de retraites sont regroupées. Un nouveau statut des retraités est appliquée en 1929. Le régime définitif correspond à un départ à 55 ans pour les cheminots, anticipé à 50 ans pour Mécaniciens et chauffeurs. La loi du 5/04/1928 apporte divers "avantages" sur les assurances sociales (gratuité des soins, remboursement des frais d'accouchement et prime d'allaitement). Mais, le décret du 30/06/1931 n'autorise pas le libre choix du médecin...
Certains politiques réclament, début 1936 pour faire face aux pitoyables résultats obtenus par les travaux de "coordination"un renforcement des mesures en faveur du rail. Ils n'obtiennent malheureusement aucun soutien des instances dirigeantes. En 1936, près 3 jours d'une grève générale ayant débuté le 1 mai, les élections voient la victoire du FRONT POPULAIRE. En Avignon, le CLUB DES CHEMINOTS est créé le 12 juillet... Diverses lois et décrets complémentaires sont mis en place dans le cadre de la coordination. Les derniers sont édictées le 12/11/1938. Les cheminots voient le nombre de jours de congés porté de 15 à 21. Diverses évolutions de traitement sont accordées. Le droit syndical est reconnu et la loi du 21/06 porte le temps de travail hebdomadaire à 40 heures. Le décret-loi concernant les retraites (1934) est abrogé.
La fin du gouvernement de Front Populaire coïncide, à nouveau, avec un recul social. Les décrets-lois signés par le Ministre Paul Reynaud, (12-13/11/1938) prévoient la hausse des impôts, baisse du taux des heures supplémentaires et instauration d'un comité dit "de la hache". Cette instance a pour fonction de rechercher les moyens de réduire le nombre d'employés des service publics mais, aussi, de supprimer les lignes de chemin de fer non rentables et de réduire les trafics ferroviaires... La CGT proteste et appelle à la grève le 30/11! Le gouvernement prend les devants et envoie la police dans les gares et dépôts. Les cheminots sont réquisitionnés à leurs postes. Le mouvement est peu suivi et se solde par un échec. Cinq mille agents sont sanctionnés (dont 4 révoqués!). Les décrets-lois sont appliqués. Le 20/01/1939, Pierre Sémard, s'adresse à Marseille à 500 cheminots. Il appelle à continuer la lutte contre les décrets-lois et à la solidarité avec les sanctionnés, mais estime que la mobilisation a été insuffisante.
Puis survient la seconde guerre mondiale...
A Suivre... Les mouvements de l'après guerre à nos jours...
En Savoir +... 1 Clic
- Archives INA Train commémoratif 50 ans congés payés.
- Archives INA Trains des congés payés
- Repressions dans les CdF Frnaçais.