La ligne T.G.V. LN5 (1)

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"LA LIGNE T.G.V. MEDITERRANEE - LN5"

 

Depuis le début des années 70, le chemin de fer, comme la société "moderne" tout entière, est entré dans une mutation profonde. Crise pétrolière, baisse de la production industrielle, ouverture des frontières européennes, voire mondialisation, modification des modes de vie ont transformé le monde du transport et exacerbé la concurrence. L'ère actuelle est à la rapidité! De par sa conception même le chemin de fer, prisonnier de ses infrastructures et de ses horaires, ne semble pas pouvoir se plier facilement aux contraintes nouvelles du marché. Les avions sont de loin les plus rapides. L'automobile ou le poids lourd, fortement encouragés par une politique très orientée, gagnent haut la main par leur souplesse et leur confort d'utilisation.

Fort de ce constat, le chemin de fer s'est vu contraint d'évoluer pour conserver sa place au sein de cette nouvelle organisation. Dés les années 70, des études sont engagées, destinées à repousser les limites jusqu'alors connues en terme de vitesse. Ainsi sont nés les T.G.V. (Trains à Grande Vitesse). A l'origine la S.N.C.F. étudie des trains à turbines à gaz.. ("Zébulon", T.G.V. 001) qui permettent de tester les comportements, mais la crise énergétique des années 70 pousse au développement de trains électriques. De plus les infrastructures classiques ne sont pas adaptées aux grandes vitesses. Il faut donc voir les trains du futur comme une évolution complète et un système "global", "matériel roulant, infrastructure et exploitation". C'est donc grâce à une conception de rame entièrement nouvelle, au choix fondamental d'une infrastructure spécialisée (Ligne Nouvelle... L.G.V. Ligne pour la Grande Vitesse) que la vitesse des rames a pu être portée à 300 kilomètres/heure en utilisation courante et même à 574.8 kilomètres/heure à l'occasion d'un record du monde en 2007.

Ces évolutions et records permettent de mettre en lumière les capacités intrinsèques du transport ferroviaire, capable de vitesses commerciales comparables à celles du transport aérien tout en conservant un coût d'exploitation nettement moindre (et une empreinte carbone très faible!) et apportant un niveau de sécurité sans commune mesure avec celui du transport routier.

En 1981, la première rame T.G.V. de couleur orange, entre en gare de Marseille Saint-Charles. Elle a emprunté une ligne nouvelle entre Paris et Lyon, puis utilisé la ligne "classique" au delà. Très vite cette nouvelle offre "commerciale" obtient un succès considérable et bouleverse en profondeur les habitudes du monde ferroviaire. Une transformation telle que progressivement de nouvelles lignes sont construites pour desservir d'autres régions françaises et un schéma directeur pour des dessertes européennes mis à l'étude. Le "système" T.G.V. possède par ailleurs, grâce à un matériel "compatible", la possibilité d'irriguer l'ensemble du territoire par l'utilisation des lignes "classiques" au-delà des parcours sur lignes à grande vitesse (mais avec des circulations effectuées aux vitesses limites des lignes empruntées. On verra même sur la région "Atlantique" des rames T.G.V prises en charge par des locomotives diesel pour des fins de parcours dur des lignes non électrifiées!). Au delà de ce succès incontestable des années 80, c'est l'ensemble du monde cheminot qui a changé de visage en deux décennies.

Mais remontons un peu dans le temps...

Après une utilisation massive dans l'immédiat après guerre jusqu'à son apogée dans les années 60 les chemins de fer perdent progressivement de leur importance. Le développement de l'automobile particulière, du transport aérien et routier "ringardisent" le rail. Pourtant les chemins de fer se modernisent, s'automatisent, s'informatisent, s'électrifient... Des trains spécifiques sont créés (comme le "Provence Express" pour les marchandises) ou de modernisent pour suivre l'évolution des goûts de voyageurs fortunés et hommes d'affaires (comme le Mistral ou les Trans Europ Express). Les vitesses commerciales et le confort augmentent... Mais les principes de base, ceux-là même qui font la force du rail, restent inchangés, alors la « ringardisation » du rail se dessine surtout dans l'esprit des consommateurs. La concurrence sur le créneau du transport du fret s'exacerbe... Le réseau des autoroutes se développe... La S.N.C.F. se voit donc, dans les années 70, dans l'obligation de "réagir". C'est ainsi que, faute d'un potentiel suffisant de clientèle, la plupart des établissements de faible ou moyenne importance sont abandonnés ou fermés. Les lignes les moins rentables sont neutralisées voire déposées. Pour les gares encore exploitées la gestion est souvent allégée et il n'est pas rare de rencontrer un chef de gare à la tête de plusieurs établissements. C'est ainsi que la S.N.C.F. se pose également la question d'un train du futur, entièrement nouveau... Et engage des études. Après moins de 15 années de tests, de développement puis de construction, les premiers Trains à Grande Vitesse circulent... La première L.G.V. est ouverte... Les changements sont importants en tous domaines aussi bien au niveau de la technique, de l'exploitation que des "habitudes" pour les passagers... Maintenant on doit obligatoirement réserver sa place de train à l'avance comme on le fait pour l'avion et on roule à 260 km/h! Attention! Les changements dans les chemins de fer vont être bien plus profonds qu'on ne l'imagine!

Vue générale du viaduc sur le Rhône en Avignon en avril 1998.

Qu'en est il en Vaucluse en ce début des années 80? Le "modernisme" et le "progrès" ont sonné le glas des petites lignes, gares rurales et de la "vie" et "l'ambiance" qu'elles apportaient au sein de chaque village. Bien souvent, malgré les innombrables aménagements routiers qui ont été effectués ces mêmes villages sont bien moins correctement desservis qu'ils ne l'étaient au temps du chemin de fer... Les temps de liaison avec les villes principales sont tout aussi longs qu'ils ne l'étaient avec les autorails de "l'époque". Mais c'est ainsi... Quoi qu'il en soit les rames orange flambant neuves qui entrent maintenant dans la cité papale y chassent les derniers trains de luxe, comme le MISTRAL qui termine sa carrière dans un triste anonymat... Quant aux trains de fret, ils ont déserté depuis longtemps les petites lignes. Seules trois lignes sont encore en exploitation, sur lesquelles une "poignée" de gares principales est restée en activité.

Presqu'une décennie après la première circulation entre Paris et Lyon des projets d'extension du réseau T.G.V. vers le Sud, puis l'Italie et l'Espagne sont proposés. Empruntée chaque jour par 70 rames environ, la L.G.V. Sud-Est est déjà rallongée en direction du sud, de Lyon jusqu'à Valence... Mais si la grande vitesse avait été unanimement saluée au début des années 80, passé l'étonnement devant la prouesse technique, le prolongement de la ligne au-delà de Lyon se heurte maintenant à de nombreux problèmes politiques et financiers. Ce projet de ligne nouvelle apparaît dans une période de tourmente politique. Les études se déroulent sous différents "gouvernements" et sous la direction de pas moins de 4 présidents successifs de la S.N.C.F.! Il serait certainement intéressant de comparer les situations sociales, politiques et économiques en cours en cette fin de XX eme siècle et celles qui prévalaient 150 ans plus tôt lors des premières études pour la création d'un réseau de Chemin de Fer. Nous y trouverions d'étranges et troublantes similitudes...

Le T.G.V. "LA POSTE" traverse la gare de Sorgues en direction de Paris.

Forte de son précédent succès, la S.N.C.F. lance donc, logiquement à la fin des années 80, une pré-étude dans le cadre d'une ligne dite "T.G.V. Méditerranée". Mais elle travaille de son côté et semble omettre, à priori, la concertation. Le 9/10/1987, Jacques Chirac, premier ministre, entérine le projet de prolongement de la ligne nouvelle du T.G.V. P.S.E. jusqu'à Valence en contournant Lyon. Le 18/3/1988 ce projet est qualifié d'intérêt général. En janvier 1989, lors d'un conseil des ministres, l'Etat demande à la S.N.C.F. d'engager des études en vue du prolongement vers l'Espagne et l'Italie. Le T.G.V. Rhône-Alpes poursuit de son coté son avancement. Il doit être livré à l'exploitation pour les jeux olympiques d'Albertville. Décembre 1989, des "fuites" laissent échapper des informations sur les études du tracé dans la basse vallée du Rhône qui mettent les populations provençales en émoi. C'est le début d'une très longue partie de "bras de fer" opposant futurs riverains, S.N.C.F., instances politiques locales et centrales. Des associations d'opposants au T.G.V. se créent dès cette époque. Plus encore que le tracé, qui n'est encore qu'un projet peu élaboré, c'est surtout le fait que les instances centrales semblent avoir voulu jouer "cavalier seul" qui provoque le courroux. Dès ce moment les débats sont empreints de méfiance puis de passion voire de violence. Ainsi la présentation du schéma directeur des lignes T.G.V. prévue fin 1989 est-elle repoussée jusqu'en mars 1990.

Pour tenter de limiter l'effet "tache d'huile" des associations de défense une "Mission T.G.V." est lancée à l'initiative du gouvernement. Son objectif: approfondir les études et variantes de tracés pour tenter d'obtenir le consensus. Mais le rapport de la commission, déposé le 14/07/1990, n'atteint pas sa cible. Bien au contraire il ravive les oppositions. Il faut reconnaître que l'affaire n'est pas simple. La Provence est spécifique du point de vue géographique. Si le relief n'est pas particulièrement tourmenté, le tracé doit faire face à un habitat très diffus dans une région essentiellement touristique où l'on vit beaucoup au dehors... L'agriculture est aussi très présente, particulièrement dans les domaines de la viticulture et du maraîchage. De plus, l'étude se déroule dans un climat social particulier. Cette fin du XX éme siècle est marquée par un état d'esprit nouveau, un phénomène appelé par les sociologues le "NIMBY" (de l'anglais "not in my backyard" pas dans mon jardin).

Le T.G.V. "LA POSTE" en cours de chargement au centre LA POSTE de CAVAILLON.

Si certains acceptent éventuellement le principe d'un ligne nouvelle, ils souhaitent qu'elle soit construite... Chez leurs voisins! Nous sommes ici dans une situation totalement opposée à celle décrite pour les premières lignes. Si nos aïeux acceptaient pour la plupart la venue du chemin de fer, dans chaque commune ils militaient même pour l'installation d'une gare... Il est vrai que le rail apportait alors d'importants débouchés à des villages parfois reculés. Le T.G.V. n'apporte à priori ses avantages qu'aux points extrêmes de la ligne, ne s'arrêtant par définition, pas en chemin. Il ne peut devenir un formidable moyen de déplacement que si le réseau secondaire maillé permet de drainer les populations vers les gares T.G.V..

Le T.G.V. Méditerranée va donc, durant de longs mois, diviser villes et villages, familles, amis, voisins... Chacun de prendre parti pour ou contre le projet. Si les grandes agglomérations sont résolument pour, les villages sont souvent "contre". Certaines associations dont la C.A.R.D.E., sont même installées dans des locaux municipaux... Une décision purement "politique" vient envenimer le débat... Le 14 juillet, lors de la garden party de l'Elysée, F. Mitterand, Président de la République, prend ostensiblement parti pour un tracé "ouest", dans le département de la Drôme. Ce tracé permet "d'épargner" certains vignobles vauclusiens. Ce "fait du prince" soulève immédiatement un tollé général! Devant ce violent soubresaut le gouvernement nomme une nouvelle commission dés août 1990. M. Querrien, ancien responsable de la caisse des monuments historiques, donc particulièrement sensible au côté "conservation" des sites, en prend la tête. S'il ne doit en aucun cas tenir un rôle de médiateur, il a pour mission de prendre parti sur l'une des variantes du projet présenté par M. Delebarre. Tout de suite les membres de la commission se rendent sur les sites. Ils y rencontrent le plus possible d'élus et de parlementaires locaux, d'associations, les chambres de commerce et d'agriculture... Ils tentent de faire abandonner l'idée, défendue par les opposants, de réutilisation des "couloirs" existants. Le 2/08/1990, le ministère des transport entérine le choix du tronc commun jusqu'en Avignon, puis la séparation de la ligne en deux branches, l'une desservant la Provence, l'autre le Languedoc. Si durant l'été les manifestations prennent une grande envergure et une certaine violence, paralysant durant plusieurs jours l'ensemble des circulations ferroviaires du Sud-est, le dialogue semble pourtant ouvert et positif.

 

Malgré tout la passion enflamme les populations et envahit les médias en cette période estivale. Pour beaucoup la ligne nouvelle "défigurerait la Provence". Seule l'utilisation des "couloirs" existants permettrait l'usage de la grande vitesse dans le Sud... Comme les grandes agglomérations, les syndicats de cheminots et la fédération nationale du transport sont favorable au nouveau projet mais tous, sans exception, réclament divers aménagements et surtout... une plus grande transparence et plus de dialogue. Dans tous les cas le devis initial sera considérablement alourdi si l'on souhaite que limiter les nuisances au maximum. Pour leur part, les experts admettent la difficulté à trouver un tracé compatible entre les impératifs géologiques et hydrauliques, l'habitat provençal et les réclamations diverses des futurs riverains. Quant aux élus de la ville d'Avignon, que le premier tracé semble éviter, ils n'ont de cesse de réclamer une modification permettant de faire passer la ligne au sud de l'agglomération!

Une seule certitude, le T.G.V. est une nécessité économique pour le grand Sud. Il sera une porte grand ouverte sur le reste de l'Europe. Dès septembre 1990, les études "Querrien" sont entamées. Il faut surtout renouer le dialogue et choisir ce qui pourrait être le "moins mauvais" tracé sachant que la variante dite "tracé Est" est d'ores et déjà abandonnée. Le rapport de la commission est enfin déposé en décembre. Il ne désarme pas les opposants. Vingt minutes de plus ou de moins sur le parcours ne semblent pas justifier la destruction d'une région admirable. Pourtant le solution d'un T.G.V. pendulaire sur les lignes existantes réaménagées ne parait pas viable. Les dites infrastructures sont déjà en limite de saturation et la cohabitation entre circulations classiques et trains à grande vitesse ne semble pas réaliste. Le 17 janvier, le rapport Querrien est rendu public par L Besson. Le tracé entre Valence et Marseille est approuvé. Le tracé Avignon / Montpellier est approuvé à son tour en août. Les études devant conduire à la D.U.P. peuvent être lancées.

Plus de 2 000 réunions de travail et de nombreuses études techniques et économiques sont nécessaires à la S.N.C.F. pour boucler le dossier préparatoire à la D.U.P.. La commission Querrien a étudié toutes les variantes et pris en compte les réclamations. Parfois même a-t-elle créé de nouvelles options. La facture s'en est trouvée fortement accentuée. Ainsi le projet est estimé à vingt-cinq milliards de Francs, dont deux uniquement dus aux mesures de réduction des nuisances. Le tronçon d'une longueur de 218,7 Kilomètres comporterait 24,2 kilomètres de viaduc et 16,8 de tunnels. A priori la ligne serait construite à trois cents mètres environ des villages de Mondragon et Mornas, qui souffrent déjà des nuisances dues à l'autoroute la RN7 et à la ligne P.L.M. (une variante permettrait de repousser la ligne à six cents mètres mais imposerait la construction de deux viaducs d'un coût de 200 millions de Fr.). Puis elle rejoindrait la rive droite prés de Roquemaure et desservirait le sud d'Avignon après la bifurcation gardoise. Le tracé se poursuivrait sur la rive droite de la Durance jusqu'à la cité Cavarre évitant ainsi le département des Bouches du Rhône très en "pointe" dans la contestation.

La ligne quitterait le Vaucluse par deux viaducs au niveau de Cavaillon et Cheval Blanc. Sur demande du ministère une variante par la rive gauche pourrait être étudiée en complément. Alors que tout parait pratiquement terminé, aucune décision "définitive" n'est prise et, pis encore, la contestation reprend vigueur durant l'été 1991. Pourquoi la S.N.C.F. semble t'elle "obsédée" par un temps de parcours de trois heures? Le système pendulaire permettrait d'effectuer le parcours en 3 h 55... Mais l'enjeu est de taille. Six millions de passagers et une concurrence aérienne exacerbée. En 1992, Jean-Louis Bianco, le nouveau ministre des transports, nomme, dans une conférence de presse, une énième commission. Une commission indépendante, devant réaliser une contre-expertise des projets Querrien et du projet S.N.C.F.. La remise "à plat" de l'ensemble des propositions doit être faite, ligne nouvelle, T.G.V. pendulaire, réaménagement des couloirs existants etc. Mais cette étude doit être rapide. Elle doit livrer ses conclusions avant septembre, pour D.U.P. fin 1992!

C'est un cabinet britannique qui remporte l'appel d'offres et rend son rapport dans les délais impartis. La conclusion est précise. L'amélioration des lignes existantes ou l'utilisation de matériel pendulaire n'est pas envisageable. Il faut créer une ligne nouvelle. Fût-elle en site propre ou sur les couloirs existants. Une conclusion qui ne ferme donc pas la porte définitivement aux opposants de la ligne nouvelle... Le rapport insiste également sur l'impérieuse nécessité de compléter l'offre T.G.V. par une offre régionale de transport adaptée. Le gouvernement approuve de son côté le schéma directeur européen des lignes à grande vitesse le 1/04/1992. L'enquête d'Utilité Publique est ouverte, enfin, à partir du 8/10/1992, pour six semaines. Prés de trois ans se sont écoulés depuis le lancement du projet... La commission d'enquête rend un rapport favorable en avril 1993.

Une particularité est venue s'ajouter au projet initial. La prise en compte par la S.N.C.F des nuisances sonores. L'indemnisation des riverains doit être élargie. Ainsi les habitants dont le logis sera inclus dans une bande de 300 mètres de largeur, centrée sur l'axe de la ligne et s'estimant lésés, pourront, jusqu'à trois ans après l'ouverture de la ligne, imposer à la S.N.C.F le rachat de leur maison!! Des jugements récents dans des affaires similaires font jurisprudence... La S.N.C.F va donc voir ses dépenses s'envoler avec le rajout de prés de 300 millions de Francs et des études approfondies sur le matériel roulant.

L'étude de D.U.P. est en place entre le 8 octobre et le 3 décembre 1992 dans cent six communes. Une valise bleue de 14 kilogrammes, d'un coût de 8 000 Francs, est remise dans chacune des mairies, dans les préfectures et expédiée aux responsables politiques locaux. Son poids et son prix sont dus à l'importante quantité de documents qui doivent légalement être mis à la consultation du public. Malgré l'ouverture exceptionnelle des services municipaux les samedis matin, de nombreux visiteurs ou propriétaires se plaignent de la complexité de ce volumineux dossier qui demande parfois plusieurs jours pour être consulté à fond. Tout n'est d'ailleurs pas facile pour les équipes d'enquêteurs. Leur venue n'est pas toujours souhaitée. Plusieurs municipalité de la Drôme refusent l'accès de leur mairie aux dossiers du T.G.V.. C'est dans des bungalows que les dossiers sont mis à la disposition du public. Public qui tantôt "boude" les registres, tantôt les couvre de phrase touchantes et résignées, tantôt de phrase incendiaires contre le T.G.V. ou contre la société moderne génératrice de déplacements désordonnés et rapides des populations... Reste encore quelques cas où les associations locales d'opposants ouvrent un stand à quelques mètres à peine des documents officiels, pour y recueillir les pétitions... Elles y ont parfois affluence contrairement aux enquêteurs publics...

Au terme de cette investigation, 17 enquêteurs sont nommés, le 3 décembre, pour passer en revue l'ensemble des remarques et objections recueillies sur les cahiers de doléances. La polémique est relancée. Les enquêteurs tardent à rendre leur rapport. La prise en compte des ouvrages rajoutés pour limiter l'impact ont encore fait encore s'alourdir la note. Ils délivrent enfin une semi-conclusion. Le tracé drômois, en particulier, fait l'objet de renégociations. Déjà modifié sur intervention du président de la république, il reste incorrect principalement dans la zone du Tricastin auprès des installations nucléaires et nécessite des études complémentaires

Naissance d'un géant. Début 1997, le viaduc de Cheval Blanc, tel un ongle gigantesque est construit sur la rive droite section par section puis "poussé" sur les piles déjà en place.

Le 23/09/1993, le gouvernement tranche sur l'épineux projet du T.G.V. Méditerranée... Le projet est techniquement "mûr" mais politiquement incertain... Sur 95% le tracé retenu est celui de Querrien. Quelques réserves subsistent encore à cause de la directive dite "SEVESO" concernant les risques technologiques majeurs, au niveau du Tricastin. Une enquête particulière concerne l'emplacement de la future gare. Si la commune d'Avignon est pressentie avec deux sites probables, Saint Gabriel ou Courtine. D'autres possibilités ne sont pas pour autant exclues, comme Théziers ou Pujaut dans le Gard.

Il reste encore à "boucler" le financement d'un projet dont la rentabilité s'est littéralement effondrée depuis son lancement. Il devra, selon toute vraisemblance, être subventionné par l'Etat. Des décisions complémentaires restent toutefois à prendre concernant l'emplacement des gares et les études d'impact sur l'environnement. Si l'entreprise ne semble plus alors rencontrer de farouche opposition, elle devient désormais souhaitée ardemment par les fédérations des travaux publics. Elles rappellent, publiquement, le besoin de ces importants chantiers pour relancer une économie locale au bord de la faillite. Ne trouvons nous pas ici des similitudes troublantes avec la demandes des populations en 1850 ou un peu plus tard pour la construction de la ligne impériale ou de celle de Cavaillon à Apt?...

Le 9/03/1994, après cinq ans de manifestations, d'oppositions et de remises en cause, le tracé du T.G.V. Méditerranée est enfin arrêté sur toute sa longueur par B. Bosson, ministre des transports. De très nombreuses demandes ont été prises en compte. Divers choix ont été opérés, en particulier la localisation de la gare Avignonnaise qui sera installée à Courtine et qui sera accompagnée d?une très importante opération d'urbanisme. L'ensemble du dossier est désormais ente les mains du conseil d'Etat.

Le 31/05/1994, le décret d'utilité Publique est signé, il peut être officiellement diffusé au JO. Le 2/06, feu vert est enfin donné par le gouvernement. Les expropriations peuvent être prononcées. Mais, alors que le 3 juillet le T.G.V. Rhône-Alpes est officiellement mis en service, le coeur n'y est plus du côté de la Méditerranée. Si le "système T.G.V. avait "le vent en poupe" durant les années quatre-vingt, il se heurte maintenant à de nombreux barrages financiers, politiques et publics. Le site nucléaire de Pierrelatte suscite encore bien des remous et le financement reste délicat à "boucler". Les finances publiques sont déficitaires et la S.N.C.F. s'enfonce chaque année un peu plus sous le poids de sa dette. En février 1995 rien n'est encore commencé. Les industriels réclament l'ouverture des chantiers. Si la S.N.C.F. possède la quasi totalité des dossiers elle tarde à lancer les appels d'offres tant que le problème financier ne sera pas résolu. le temps s'écoule en pure perte, tant et si bien que les opposants finissent par "remonter au créneau". Il est vrai qu'en août le commissaire chargé de l'étude pour la protection des riverains des zones inondables de basse Durance et de la confluence Rhône / Durance émet un avis défavorable. Un pavé dans la marre qui relance immédiatement les polémiques et les réclamations des opposants. Ils souhaitent un viaduc... Si cette hypothèse était envisagée de nouvelles études devraient être engagées induisant des retards considérables et un alourdissement substantiel de la facture déjà estimée à 25,5 milliards de Francs!! La "guerre" du T.G.V. n'est pas terminée...

Pourtant nous n'assisterons plus à de grandes batailles. En été, certains chantiers à long délai ont été mis en route. L?Etat s'engage à mettre "la main à la poche" et à contribuer au financement à hauteur de 2,4 Milliards de Francs. Sans cette aide, le projet dont la rentabilité est tombée très en deçà des seuils admissibles, ne pourrait être engagé.

C'est le 25 septembre qu'Anne-Marie Idrac, secrétaire d'état chargée des transports, signe le décret d'approbation de l'engagement des travaux après cinq ans et demi de discussions. La ligne, la LN5, comportera 500 ouvrages d'art et devra intégrer de nombreux édifices destinés à protéger l'environnement et à assurer l'intégration esthétique de la ligne!... Fin novembre, les travaux de détournement des lignes électriques et d'un pipeline sont entamés. Le dragage du Rhône et les travaux de la tranchée couverte protégeant l'hôpital Henri Duffaut en Avignon sont engagés. Pourtant les associations anti T.G.V. ne sont pas dissoutes. Elles relancent le débat en Février 1996 en demandant, appuyées par certains élus, la suspension des travaux et la réouverture d'un projet visant à réutiliser les couloirs existants... Un combat d'arrière-garde, perdu d'avance? Fort probablement, car toute modification nécessiterait la réouverture d'enquêtes et conduirait probablement le projet à sa perte définitive. la S.N.C.F qui supporte la quasi-totalité du financement et croule sous une dette endémique ne pourrait le supporter. De plus, les travaux engagés sont une manne pour les populations locales, frappées de plein fouet par un chômage lui aussi endémique, et pour les entreprises de Travaux Publics... En mai, l'enquête d'Utilité Publique concernant la gare d'Avignon est bouclée. Elle devra, selon ces concepteurs, se présenter comme la "vitrine" d'Avignon et de la Provence. Les architectes veulent en faire une gare "dans un jardin". Elle desservira un bassin de 500 000 habitants sur trois départements. Tout autour de la gare une Z.A.C. sera crée à hauteur de 310 Millions de Fr.. Un projet gigantesque. Le 11 juillet, la maquette définitive est présentée aux élus. Avignon veut faire "grand", aussi le projet est il pharaonique. Le coût de l'édifice est estimé à 310 Millions de Francs!

Naissance d'un géant, mi 1997, le viaduc de Caumont.

En septembre, coup de tonnerre dans le ciel d'azur. La S.N.C.F. ne peut assurer le financement comme prévu! Elle doit réduire ses investissements de 1,6 milliards de Francs. Les chantiers sont immédiatement mis au ralenti. Si la situation est telle, le projet risque de prendre plusieurs mois de retard. Une seule alternative, le phasage du projet. La première section, de Valence à Bollène pourrait être terminée en janvier 2000, la seconde en septembre. Dans tous les cas le risque est grand pour les entreprises travaillant aux chantiers et pour le taux de chômage de la région. La "pression" due à la situation économique du pays provoque un phénomène, pour le moins extravagant, qui frappe de plein fouet la S.N.C.F. en général et les grands travaux d'infrastructure en particulier; la corruption. Début 1997, des "affaires" sont révélées quant à l'attribution des marchés sur les chantiers du T.G.V. Nord. Pour éviter que de tels "dérapages" ne puissent se produire dans la distribution des "lots", des directives spécifiques sont édictées par le maître d'oeuvre dans le cadre du T.G.V. Méditerranée.

LA CONSTRUCTION...

Les premiers coups de pioche sont donnés en Vaucluse fin 1995, début 1996. Le dragage du Rhône est effectué pour l'installation des deux futurs viaducs entre Gard et Vaucluse. Les deux ouvrages seront longs de 1 500 mètres et espacés de 45 mètres. Pour éviter tout risque hydraulique les études menées conjointement par le maître d'oeuvre et la C.N.R. ont prouvé qu'il était nécessaire d'approfondir le lit du fleuve sur mille mètres de long, deux cents mètres de large et cinq mètres de profondeur. Neuf cent mille mètres cubes de graves qu'il faudra évacuer. Mais au milieu des roches et alluvions les ouvriers de l'énorme drague flottante vont faire de bien étonnantes découvertes. Des centaines d'obus de 88mm, 20mm, 22mm remontés du fond vont obliger l'arrêt des travaux et l'intervention des services de déminage.

Travaux préliminaires à la construction de la tranchée couverte de l'hôpital Henri Duffaut en Avignon.

Un affût de canon, une ancre de 250 kg, le moteur et une partie de la coque remontés en surface prouveront qu'une barge Allemande, transportant des munitions anti-aériennes, a probablement été coulée en ce lieu plus de cinquante ans auparavant... Pour éviter de tels désagréments, les architectes en charge du dossier sur la tranchée couverte d'Avignon ont dû faire appel aux archives de l'armée américaine. Le secteur du pont de Rognonas et du viaduc de la ligne P.L.M. à fait l'objet de multiples attaques aériennes durant la dernière guerre. Pour étudier les risques potentiels sur le chantier, des recherches ont été menées sur les plans de bombardements, sur la localisation des points d'impacts d'obus puis confrontées aux photos aériennes prises par les appareils de l'U.S.A.F.!

Sur les chantiers des imposants viaducs de la Durance, la rivière fait connaître sa puissance en janvier 1997. A l'attention de ceux qui auraient pu oublier ses légendaires colères elle fait une démonstration de sa vitalité. D'importantes crues "rongent" sur 250 mètres de long, les pistes construites pour le passage des engins et emportent sans peine dans son lit des buses de plusieurs centaines de Kilogrammes! Pour protéger ses ouvrages et les soustraire à la rivière, la S.N.C.F. doit mettre en place plus de 160 000 tonnes d'enrochements à Cavaillon et 110 000 à Cheval-blanc...!

Travaux de construction de la tranchée couverte de l'Hôpital Duffaut.

Au cours de l'été, les problèmes de financement réapparaissent. Le phasage de mise en service de la ligne est finalement abandonné. Les trains circuleront finalement au début de l'année 2001.

Mais les travaux continuent dans les délais impartis. En mai 1997 le pont de Cheval-Blanc est jeté sur la Durance. Il est formé, comme ses voisins de poutre métalliques soudées bout à bout sur la rive Vauclusienne puis poussées vers la rive opposée. Elles sont ensuite enrobées de béton. Ces poutres sont importées d'Italie où elles sont constituées à base d'acier Allemand. Elles sont transportées par voie ferrée jusqu'à la gare de Cavaillon, puis transbordées par route jusqu'au chantier. Vingt-cinq trains sont nécessaires pour transporter, dans des conditions exceptionnelles eu égard au gabarit des pièces, l'ensemble de la structure des deux viaducs.

Le 2 septembre, les derniers pans de rocher du tunnel de Bonpas sont abattus par la fraise hydraulique. Ce tunnel de 330 mètres de longueur représente la partie centrale, entre Avignon et Caumont, d'un important ouvrage comportant quatre chantiers. Les concepteurs de la ligne ont dû faire face à un véritable défi sur ce secteur particulier, sur une longueur de 850 mètres. Croisement de l'autoroute A7, traversée de la colline de Bonpas et surtout préservation de la chartreuse historique. Impossible donc d'envisager la traversée en tranchée mais obligatoirement en tunnel. En arrivant d'Avignon, la ligne doit emprunter un important remblai de 150 mètres, utilisé durant la construction, au lancement du viaduc. Ce remblai donne une altitude suffisante à la ligne pour franchissement de l'autoroute sur un viaduc de 356 mètres. Cet important ouvrage de 1 100 tonnes, de type mixte béton/acier reposant sur 9 piles, dont une placée sur le terre-plein central de l'autoroute, est conçu et réalisé en France par la société EIFFEL. Le franchissement de l'autoroute est effectué, toute circulation coupée, dans la nuit du 16 au 17 septembre. Puis la voie s'engouffre sous la colline et entame une descente sur un dernier viaduc franchissant la route de Caumont. Un effort particulier sera consenti en terme d'intégration paysagère, destiné à masquer l'entrée du tunnel aux automobilistes circulant sur l'A7.

1997, le viaduc sur le Rhône en Avignon, en cours de construction. Sur la droite, l'ascenseur à voussoirs. Sur le tablier la poutre de manutention.

Le grand chantier des viaducs "jumeaux" d'Avignon est ouvert en 1997. L'édifice est exceptionnel. Deux ouvrages en courbe et en dénivellation, avec saut de mouton coté rive gauche, sont jetés au-dessus du fleuve. Ce chantier constitue l'un des éléments les plus onéreux de la ligne. Plus de 850 millions de Fr. seront dépensés dans ce secteur. Chaque viaduc, d'une longueur de 1 500 mètres (dont 1 100 de viaduc proprement dit) est construit avec une pente de 35 °/°°. Des contraintes exceptionnelles ont été prises en compte lors de l'étude, que ce soit en terme de protection sismique, en terme hydraulique et en terme d'esthétique et d'intégration... Le cubage de béton nécessaire à la réalisation de l'ouvrage est estimé à 125 000 mètres cube. Contrairement aux autres viaducs de la ligne celui-ci est construit par empilage de voussoirs préfabriqués. Pour mener à bien la chantier le site de préfabrication devra produire 838 de ces voussoirs, pesant chacun 130 T! La forme parabolique des travées impose au constructeur la fabrication de prés de 60 modelés différents! L'assemblage est effectué en encorbellement après leur conduite sur le tablier grâce à un "ascenseur", puis convoyage sur un véhicule à roues et enfin manutention à l'aide d'une "poutre" de 220 mètres de long, une technique inusitée à la S.N.C.F.. Fin 1997, début 1998, plusieurs des grands chantiers sont pratiquement achevés alors que d'autres "lots" sont à peine ébauchés. Tel est le cas des viaducs de Cavaillon et Cheval-blanc qui n'attendent désormais plus que voies et caténaires alors que, du côté de Mondragon et Mornas, les premiers éléments sont à peine assemblés. De grands travaux sont également réalisés au niveau des infrastructures routières à l'entrée de Cavaillon. La venue du T.G.V. provoque le remaniement des voies d'accès par les Bouches du Rhône ainsi que le déplacement du péage d'autoroute. Les terrassements de la future gare d'Avignon sont entamés en février...

L'année 1998, voit l'avancement rapide ou la fin de certains gros chantiers de terrassement. Outre la future gare, les viaducs sont lancés au-dessus des routes; autoroutes et cours d'eau. Prés 6 mois de préfabrication, le "Bow string" sur le péage d'Avignon sud est mis en place. Avec ses 124 mètres cet ouvrage est celui de la ligne présentant la plus grande portée. Après avoir été assemblé "à terre" l'ensemble métallique pesant plus de 2 500 T (et chiffrant plus de 40 MFr.) est poussé en place. A ouvrage exceptionnel, moyen exceptionnels! C'est une entreprise Belge spécialisée dans la manutention de masses indivisibles de fort tonnage qui s'est vu confier cette délicate mission. Ainsi les extrémités de la charpente du viaduc sont posées sur des engins routiers aux dimensions, on l'imagine, en rapport direct avec la masse à déplacer et équipés au total de près de 450 roues!!. Le transfert est réalisé en 3 phases, les 27 et 30 mai, 3 juin. Scénario similaire du côté de Mornas, pour le lancement du "Bow String" sur le "vieux Rhône". Assemblé, comme ses frères, sur la future plateforme ferroviaire, l'imposant assemblage métallique est à son tour surélevé et placé sur les engins routiers ayant été utilisés précédemment. Le 18 septembre, une météo favorable, sans vent, ainsi que l'interruption temporaire de la navigation fluviale, permettent aux techniciens de lancer l'ouvrage au-dessus du fleuve. Posé sur 2 énormes barges couplées et guidé par une visée laser, les 2400 T de l'ouvrage prennent docilement leur place sur les piles qui attendaient. Opération similaire le 10 décembre pour l'ouvrage jumeau de Mondragon. L'ensemble des travaux d'accès à ces 2 viaducs sont terminés en mai 1999. Le premier des 2 viaducs d'Avignon (liaison nord) est également terminé peu avant fin 1998.

Chantier de préparation des voussoirs constitutifs du viaduc, sur le chantier de Courtine...
Construction du viaduc sur le Rhône vu côté rive droite, fin 1997...

La dernière année du siècle s'ouvre sur la phase finale de construction de la future plateforme. Les dernières touches sont données aux principaux ouvrages; rampes d'accès, peinture, garde fous, finitions....), alors que la base travaux de Cheval Blanc entre dans une phase de développement exceptionnelle. C'est en effet à partir de celle-ci que vont être lancés les travaux de pose des voies. Le 23 février la poutre de lancement géante, procède à la mise en place du dernier des 838 voussoirs du viaduc d'Avignon. Le viaduc dit "grand sud" se termine, et avec lui prend fin l'un des plus impressionnants chantiers de la ligne T.G.V. Méditerranée. Le public est invité le 20 juin à parcourir à pied le viaduc... Une occasion unique qui, bien évidemment, ne pourra plus jamais être renouvelée.

Vue du train bétonneur garé sur le chantier de Cheval Blanc en juillet 1999...

Le 26 février Réseau Ferré de France et la S.N.C.F. ratifient le marché de pose des voies. Le chantier est scindé en plusieurs zones de travail, elle mêmes découpées en divers lots. Les bases travaux d'Eurre dans la Drôme et Cheval Blanc en Vaucluse se partagent l'ensemble de la ligne avec pour "frontière" le Pk 585, à hauteur de Bollène. Les premiers coupons sont déposés dans le courant du mois de mai, alors qu'une cérémonie officielle se déroule le 3 juin à proximité de la base vauclusienne. En présence des personnalités locales, MM Gallois, président de la S.N.C.F. et Martinand, président de R.F.F. effectuent la soudure symbolique de deux coupons de rail, donnant ainsi officiellement le coup d'envoi de la campagne de pose. A l'occasion de cette cérémonie MM Gallois et Martinand annoncent dans leurs allocutions la reprise des études d'un futur T.G.V. Côte d'Azur, prolongement naturel du T.G.V. Méditerranée. Cette relation, déjà imaginée lors des pré-études du T.G.V. Méditerranée mais mise en sommeil, pourrait être réalisée soit par le biais d'une ligne nouvelle (un peu comme l'avait imaginé en son temps le P.L.M. avec son projet de ligne Pertuis / Les arcs), soit par le biais de l'aménagement des couloirs existants. L'importance des futures relations régionales, en correspondance avec le T.G.V., ainsi que la future liaison ferroviaire entre la nouvelle gare d'Avignon T.G.V. et la gare du centre-ville ont à cette occasion été également évoquées. Cette hypothétique liaison constitue le point de discorde le plus important entre les syndicats, les usagers, la municipalité et la S.N.C.F.. Marie Josée Roig, maire d'Avignon ne manquera pas de souligner une fois de plus que le dispositif de navettes routières qui sera mis en place lors de l'ouverture à l'exploitation ne pourra se substituer longtemps à une véritable liaison ferroviaire. Reste aux élus et à la S.N.C.F. à boucler un budget de 220 millions de Fr. nécessaire à l'installation d'une liaison de 4 kilomètres de longueur...

Vue des wagons de matériel et de ballast et du parc "S E S" du chantier de Cheval Blanc en juillet 1999...

C'est ainsi qu'à partir de la fin du second trimestre de 1999, 1 000 kilomètres de rails, 900 000 traverses béton, 126 appareils de voie, 2,4 millions de tonnes de ballast, 14 500 supports de caténaire, 620 kilomètres de câbles porteurs et autant de câbles de contact sont mis en œoeuvre pour assurer l'installation des superstructures. Plus de 350 cheminots, 75 locomotives œoeuvrent sur les 18 kilomètres de voies de la base de Cheval Blanc...

Le chantier avance très rapidement: une voie provisoire, composée d'éléments pré-montés (rails sur traverses), est tout d'abord posée. C'est sur cette voie que circulent ensuite les trains de pose. Traverses puis rails et ballast sont posés et placés. Puis les trains de pose circulent sur la première voie définitive pour ôter les éléments de voie provisoire et les remplacer par les traverses rails et ballast définitifs. Les rails sont soudés sur place, par le procédé "Aluminothermique". Il ne reste "plus" aux techniciens qu'à dresser, bourrer et stabiliser la voie. En septembre 1999 la voie qui progresse depuis la base de Cheval Blanc atteint la nouvelle gare d'Aix en Provence. Chaque jour les trains de travaux ont une chemin de plus en plus long pour atteindre le chantier de pose...

Electrification du viaduc en Novembre 2000.

et d'un train de travaux à la sortie de la tranchée couverte d'Avignon en été 2000.

Derrière eux s'affairent les électriciens. Ils posent les pylônes et les supports de caténaires, puis le train dérouleur permet de poser les fils de contact. S'il semble vite avancer le chantier est titanesque. Il faut gérer en toute sécurité un nombre croissant de circulations. Les trains de pose, les trains de rails, de traverses, de ballast, le train de béton-mâtage, le train dérouleur etc., se succèdent. On manutentionne, pose, soude, bétonne, coupe, règle, et tout cela avec des tolérances de l'ordre du dixième de millimètre! Tout cela dure des mois. Il faut penser également à la signalisation, la commande des appareils de voie. Des kilomètres de câbles électriques s'empilent dans les caniveaux en béton. Lorsque tout paraît terminé, ce sont les "hommes verts" de la LN 5 qui entrent en lice. La S.N.C.F. s'est engagée à remettre l'environnement dans un état proche de celui d'avant le chantier. Des études d'impact très poussées ont été effectuées par des jardiniers et paysagistes. Le choix des essences, la sélection, l'achat et la distribution des 150 Tonnes de semences nécessaires à la couverture de 10 millions de mètres carrés de remblai, sont effectués par la Société Nationale et sont l'objet de soins tout particuliers. Il faut ensuite transporter et épandre des centaines de tonnes de terre végétale, replanter les arbres, semer les graines etc. . La végétation est choisie pour assurer un bon maintien des sols, empêcher la propagation du feu, permettre la limitation de la propagation du bruit, mais aussi pour permettre à la faune sauvage de se réinstaller. Des essences rares sont utilisées, dont certaines en voie de disparition qui sont réintroduites en Provence.

En parallèle à la pose des voies, il faut également s'affairer à la construction des nouvelles gares. En ce qui concerne celle d'Avignon, qui nous intéresse dans le cadre de cette étude, on entame les travaux de terrassement à partir de mai 1999. Les ouvriers n'ont en tout et pour tout que deux ans pour mener à terme le chantier. En juillet, les fondations sont terminées. L'édifice d'une architecture voulue moderne et audacieuse, sera construit en verre et béton. Il ressemblera à une coque de navire renversée. Il a été conçu par les architectes JM Duthilleur et F Bonnefille. Il reste que l'activité exclusive de cette gare au trafic T.G.V. est au centre d'une violente polémique; pourquoi les ingénieurs n'ont pas imaginé dès l'origine du tracé, la création de quelques centaines de mètres de voies permettant de relier les deux gares avignonnaises?

Vue de la ligne près du chantier de Cheval Blanc en 1999. Les voies sont posées mais pas encore les mâts porte caténaires...

Sur le chantier de voie, le raccordement entre la ligne T.G.V. et la ligne "classique" est mis en place prés de Bolléne (P.K. 693.500 de la ligne P.L.M.) en mars-avril 2000. Les travaux nécessitent le détournement durant quelques jours de certaines circulations sur la rive droite. Le 8 juin 2000 (J - 367) la dernière traverse de la ligne est posée à Mondragon (point de liaison entre le chantier Nord de la base d'Eurre et celui Sud de la base de Cheval Blanc. JC Gayssot, Louis Gallois et C Martinaud participent à cet événement. Il ne reste aux bâtisseurs qu'à peine une année pour livrer la ligne à l'exploitation. Notons au passage que les techniciens de la base travaux de Cheval Blanc, utilisent pour leurs déplacements sur les voies une draisine à pédales louée pour l'occasion à VENTOUX RAIL NOSTALGIE, Association s'étant donné pour but la sauvegarde des derniers lambeaux de la ligne d'Orange à l'Isle entre Aubignan-Loriol et Carpentras en vue d'une exploitation touristique; ou comment le véhicule le plus lent du rail prête son concours à la construction de la ligne du train le plus rapide.

Le 23/08/2000, P. Colombet découvre son nouveau domaine. Entré en 1976 à Sorgues, il sera le premier chef de gare de l'établissement T.G.V. d'Avignon. Le 14/09/2000, le courant électrique à 25 000 V circule dans la caténaire entre Avignon et Marseille. Les installations sont télécommandées depuis un poste centralisé installé à Lyon. Le 28, la section Nord est à son tour mise sous tension. Le 3 octobre, les premiers trains d'essais circulent entre Avignon et Marseille. C'est la rame 531, transformée pour l'occasion en laboratoire roulant, qui sera utilisée pour la réalisation des essais. Augustin Burgarella En tiendra les commandes. Six circulations avec des vitesses croissantes; 160 km/h, puis 220, 270, 300, 330 et enfin 350 km/h, permettent des tester les installations, de rassurer les techniciens et de valider la ligne: Elle devrait être livrable à la date prévue! Les marches d'essais sont effectuées avec une vitesse de 50 km/h supérieure à la vitesse d'exploitation. Plusieurs dizaines de techniciens sont à pied d'oeuvre tout au long de la ligne pour mesurer les émissions sonores, les déformations de la plate-forme et des tabliers de viaducs, etc.

Il ne reste plus qu'à terminer les dernières séries de mesures et vérifications, les finitions, comme la mise en place des pare-vent sur le viaduc d'Avignon... Les 26, 27, 28 mars 2001 la voiture Mauzin* ausculte les 250 kilomètres de voie nouvelle. Il reste également un moment fort: la mise en service du P.R.C.I. de Marseille Saint-Charles. Ce poste de commande de nouvelle génération va régner sur une grande partie de la ligne nouvelle ainsi que sur l'ensemble des installations Marseillaises. C'est les 28 et 29 avril que cette opération extrêmement complexe, nécessitant l'interruption totale des circulations en gare St-Charles, est effectuée.

Ainsi prend fin cet extraordinaire chantier. Les ouvriers, les techniciens, les jardiniers, les architectes, quittent les lieux. Ils partent bien souvent à regret, après de longues années d'un travail et d'une aventure passionnante. Certains quittent également la Provence où ils avaient vécu durant une longue période et qu'ils ont appris à aimer. Il reste à reclasser tous ces hommes cheminots ou non, dans d'autres services, sur d'autres grands chantiers de travaux publics ou dans les entreprises régionales pour ceux ne souhaitant plus quitter le soleil provençal... Malheureusement, comme cela est quasi inévitable sur des chantiers d'une telle ampleur, plusieurs hommes ont trouvé la mort durant ces années de construction.

Après les heures de travail, voici venu le temps des cérémonies d'inauguration...

Les documents et photos illustrant cet article sont issus de la collection de l'auteur (photos Bézet)

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22/01/2011
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