MADAME M R GARDE-BARRIERE..
Madame M. R.,
GARDE BARRIERE...
LA VIE AU P.N. 428 à SORGUES.
Mme Mathilde R
, se souvient de la vie quotidienne au P.N. 428 dont elle a eu la charge de longues années durant. La vie d'une garde barrière est difficile... Il n'est pas question de laisser LA barrière un seul instant sans surveillance.Après avoir eu la responsabilité de plusieurs P.N., c'est au 428, à la sortie sud de la gare de Sorgues que j'ai été affectée. Mon époux était chef d'une équipe d'ouvriers de la voie. Ce passage à niveau était installé sur la ligne impériale, de très nombreux trains passaient chaque jour. Heureusement le chemin de Brantes ne possédait pas une circulation automobile importante. les barrières du P.N. étaient normalement fermées, ouvertes seulement à la demande des automobilistes.
Nous aimions bien notre maisonnette. Comme ses soeurs c'était une bien modeste bâtisse, de surcroît très humide, mais nous avions un jardinet et nous étions tout prés du bois de Brantes. Nous avions la "campagne" tout autour, les enfants pouvaient aller jouer dans les prés et le bois alentour. Nous allions le soir acheter le lait à la ferme toute proche. Le matin, les hommes de la brigade se réunissaient avec mon mari dans la pièce commune du rez de chaussée. Ils y prenaient le café et... les consignes pour la journée.
Ce qui est sûr c'est que pour de jeunes enfants la vie dans une maison de passage à niveau peut être dangereuse. Une seconde d'inattention et c'est le drame. J'ai ainsi trouvé un jour, ma petite fille jouant tout prés des voies... Elle était sortie par le portillon du P.N.. Quand les enfants ont grandi, ils ont été heureux de notre situation prés de la gare, surtout mes fils. La gare avec son annexe traction était un formidable terrain de jeux, bien que nous ne souhaitions pas trop, par sécurité, les laisser aller y jouer. Mais les machines les attiraient et les "mécano" les prenaient avec eux quand ils manoeuvraient en gare. Quelquefois, ils posaient deux briquettes sur la plate-forme et l'enfant pouvait ainsi accéder à la commande du sifflet.
Sur un passage à niveau l'activité est toujours importante et il se passe quelquefois de bien étranges incidents. Vers 1970, on comptait encore prés de trente cinq demandes d'ouverture journellement. Il est difficile de faire cohabiter des usagers aussi différents. Des trains, lourds et rapides, des automobilistes, pressés et des piétons... très imprudents. Comme le P.N. était placé à la sortie de la gare nous avions souvent à subir des fermetures prolongées. Les trains manoeuvraient en gare ou stationnaient à hauteur du passage à niveau. C'était à ces moments là que la situation était la plus difficile. Les automobilistes se mettaient quelquefois en colère, mais il était hors de question de leur ouvrir les barrières. Le plus difficile à "arrêter" c'était les piétons. Ils passaient par le portillon sans attendre l'autorisation. J'ai même vu, un jour, un piéton prendre le portillon, et traverser les voies malgré qu'un train y stationnait! C'était un train qui manoeuvrait en gare! Au mépris du danger et malgré mes appels, l'homme à continué son chemin, se baissant pour passer sous les attelages entre deux wagons!!. On peut facilement imaginer ce qui aurait pu arriver si le train avait repris sa manoeuvre...
Notre P.N. était placé à coté du stade. Les dimanches de nombreux supporters venaient y voir évoluer leurs équipes favorites. De nombreuses voitures étaient garées tout au long de la route... jusqu'aux barrières du passage à niveau. Ces jours là il fallait être vigilant car, pour mieux voir, les spectateurs n'hésitaient pas à passer le long du stade... Coté voies de chemin de fer!
J'ai été le témoin de plusieurs tragédies. Des piétons ou cyclistes tués par des trains. Bien souvent ces accidents étaient dus à l'imprudence, mais quelquefois il s'est agit de suicides. Quelques incidents "routiers" se sont aussi déroulés à cet endroit. Un matin, M Combe le laitier, s'est présenté comme il le faisait chaque jour. Il circulait avec un très vieux tombereau tiré par un cheval. Une fois engagé sur les voies le tombereau s'est totalement disloqué. J'ai immédiatement fait le nécessaire pour faire arrêter toute circulation. Le train "descendant" qui se présentait à pu être bloqué... au P.N. 429. Une autre fois, c'est un énorme camion qui s'est présenté pour se faire ouvrir les barrières. Les poids lourd étaient rares sur cette route, mais des travaux sur la route de Vedène avaient provoqué un afflux de circulation sur le chemin des Granges. Quand le camion s'est engagé, nous nous sommes aperçus qu'il ne pourrait négocier le virage à la sortie dans la rue Mireille. Il fallait agir vite! Nous avons du faire ouvrir le portail de la maison située juste en face du P.N.. Le camion a effectué ses manoeuvres dans le jardin attenant à cette maison... Un jour, un véhicule équipé de hautes ridelles à traversé les voies. Parvenu de l'autre coté, au moment où il tournait lui aussi dans la rue Mireille, l'une des ridelles a accroché le "rideau" de la barrière. Tout à coup la barrière a été entraînée à rebours. J'attendais, la main sur la manivelle, pour refermer après le passage du véhicule. L'effort exercé sur la barrière a été répercuté sur la manivelle. Celle-ci m'a échappé des mains et m'a violement heurtée à la tête.
Et puis le temps est passé. Mes enfant ont grandi et quitté la maison. Je me souviens d'un jour où j'ai vu arriver mon fils. Il venait pourtant de partir pour rejoindre la caserne où il effectuait son service militaire. Son train était arrêté quelques minutes en gare de Sorgues à cause d'un signal fermé. Il n'avait pas hésité, au risque de voir le train partir sans lui, à descendre à contre voie pour venir embrasser sa maman... A sa grande surprise.
L'heure de la retraite a sonné. J'ai quitté le P.N.. Il a été fermé. Puis la maisonnette a été rasée. Pour des raisons de sécurité, les passages à niveau disparaissent peu à peu, surtout sur les lignes importantes.
Merci, Madame pour ce témoignage...
Mme R au P.N. 428 et M R sur un chantier de voie prés du P.N. 427.
Propos recueillis par J.L. BEZET en 1996
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