LES GRANDES GREVES CHEMINOTES (1)...
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Il est toujours délicat de parler des mouvements de grèves dans les chemins de fer... Sujet hautement sensible et toujours d'une brûlante actualité... Mais sur notre site, foin de politique ou de polémique... Bien que, passionnés de chemins de fer nous prenions toujours le parti du rail et des hommes qui le servent, nous essaierons autant que faire se peut, de nous limiter à l'aspect historique des ces "mouvements sociaux" qui ont eu à chaque fois des retentissements dans l'ensemble de la vie du pays... Mais attention, pour couvrir la totalité de la période, 3 articles sont nécessaires!
- De l'origine à 1910,
- De 1915 à 1920
- de l'après guerre à nos jours...
Une longue lecture en perspective...
Disons, pour introduire le sujet, que les compagnons du rail n'ont jamais boudé leur peine pour que vive leur Compagnie ou pour que "vive la France". Mais qu'ils ont été aussi parmi les catégories professionnelles les plus contestataires! Les mouvements sociaux dans les chemins de fer ont fait, plus d'une fois, vaciller voire chuter, les gouvernements. Le chemin de fer aura fonctionné, dans ce cas, comme un amplificateur ou un catalyseur des luttes sociales externes à son domaine...
Revenons... à la naissance du rail... Une fois les travaux achevés les toutes premières brigades de cheminots sont mises en place. Les chemins de fer n'auraient pu s'animer sans une présence humaine, sans une "âme". 31 693 ouvriers et employés sont salariés par les Cies. de chemins de fer en 1863, 138 213 en 1869!... Derrière chacune des activités, derrière la prouesse technique, se trouvent des centaines, des milliers, d'hommes. Cadres, employés administratifs, roulants, sédentaires, apprentis, agents de l'équipement tous, véritables pionniers, vont devoir assurer l'exploitation d'une entreprise totalement nouvelle où tout est à inventer.
Le règlement est, à l'instar de l'uniforme, quasi militaire. D'ailleurs, l'encadrement est fréquemment confié à d'anciens sous-officiers. La discipline est souvent "pesante" pour les hommes mais les Cies. sont les seules à garantir une stabilité de l'emploi et proposer une caisse de retraite (peu à peu les compagnies proposent également des bourses d'études (1890), des écoles, des centres d'apprentissage pour les enfants des agents. Elles proposent aussi des allocations spéciales pour charge de famille, des bibliothèques, des coopératives, des facilités de circulation, des cités et même des jardins...). Certains toutefois, comme Proud'hon, regrettent le temps de bateliers et rouliers "indépendants" et "libres". Dans "Les réformes à opérer dans l'exploitation des chemins de fer", publié en 1863, il invective ainsi les compagnies: "Quoi de plus morne que ces gares de chemin de fer? Quelle différence avec l'animation des quais, des ports, des places de roulage. A la veste des mariniers, à la blouse des rouliers a succédé un triste uniforme. Ces hommes sont dépersonnalisés, mécanisés, numérotés. Un seul sentiment les possède qui leur refoule l'ennui dans la gorge, la crainte. La locomotive siffle pour eux. c'est ainsi que l'on rend une nation pusillanime, qu'on la tue..."
Tout d'abord interdit par la loi Le Chapelier, le droit de "coalition" est accordé aux ouvriers et aux cheminots par la loi du 25 mai 1864. Les droits restent toutefois extrêmement réduits. Il faut attendre encore une vingtaine d'années pour que le parlement légalise (21 mars 1884) l'existence des syndicats. De multiples "associations" cheminotes voient le jour regroupant, pour la plupart, les mécaniciens roulants, beaucoup plus solidaires et organisés que les personnels sédentaires. Dans tous les cas, ils sont considérés comme "LES" travailleurs des chemins de fer. Le mouvement syndical, encore très divisé, ne cessera à partir de là de se construire avec des bonheurs divers, jusqu'après la première guerre mondiale.
Les grandes grèves de 1910... Passés les événements de 1870, la vie reprend son cours. Mais, progressivement, la situation sociales se dégrade et petit à petit, rien ne va plus en cette fin de la première décennie du nouveau siècle, dans le monde du chemin de fer. Dégradation des conditions de travail, baisse des revenus frappent les cheminots de plein fouet. Les centrales syndicales sont dépassées et, finalement, la grève est votée en avril 1910. Le 17 juillet, le comité de grève se voit investi du choix de la date de lancement d'une grève générale inter réseaux.
Les roulants eux mêmes sont prêts à y participer. Les cheminots réclament la "thune". La thune c'est 5 francs. Les hommes réclament, entre autres, un revenu mensuel minimal de 1 800Fr.. Le 8 octobre 1910, le signal est donné par le réseau du NORD. Les autres compagnies suivent en ordre dispersé. Le P.L.M. semble avoir été moins touché par le mouvement que les autres réseaux. Malgré tout, le mouvement est si violent que le gouvernement Aristide Briand décrète, le 13 octobre, la mobilisation militaire des cheminots et fait investir les installations ferroviaires par la troupe.
200 cheminots avignonnais sont en grève, alors que le service est plus ou moins assuré par des éléments extérieurs au dépôt. Le 14, une tentative de sabotage est relevée à Avignon. Un aiguilleur signale, heureusement à temps, que l'aiguille 36 est bloquée. Constations faites, elle l'est par une grosse pierre... Le 16, un autre acte de sabotage est commis entre Avignon et Montfavet. Un poteau électrique est scié, alors que plusieurs fils de commandes funiculaires* sont coupés. Des fils télégraphiques sont liés ensemble à l'aide d'une cordelette. La répression est dure. Des mesures disciplinaires sont prises à l'encontre de certains cheminots. C'est le cas en Vaucluse, où 32 sont révoqués... La compagnie refuse leur réintégration, malgré la demande de "grâce" faite par la municipalité...
Monsieur le Maire, Messieurs les Conseiller Municipaux, Trente deux pères de familles jetés brutalement sur le pavé par la richissime Compagnie P.L.M., pour n'avoir commis d'autres crimes que celui de réclamer leur droit à la vie et la sécurité de leurs vieux jours.
La population avignonnaise a dût voir que notre geste tout d'honnêteté, fait pas des travailleurs conscients, n'a en rien troublé l'ordre dans la rue, dans nos manifestations paisibles et sans bruit.
En conséquence, nous avons l'honneur de nous adresser à vos sentiments humanitaires pour venir en aide à nos familles dans la misère. Les victimes ne demandent partout que du travail qu'on leur refuse, pour nourrir leurs femmes et enfants.
Recevez, Monsieur le Maire et messieurs les Conseillers municipaux, avec nos remerciements anticipés, nos plus sincères salutations.
Monsieur le Maire, Le 24 novembre 1910 Par votre lettre du 19 courant, vous avez bien voulu me transmettre un vœu formulé par le Conseil Municipal de la ville d'Avignon réuni hors séance, en faveur de la réintégration des agents de la résidence d'Avignon qui ont été révoqués à la suite de la dernière grève. Nous sommes les premiers à déplorer d'avoir été mis, par suite de refus obstiné de service, dans l'obligation de prendre des mesures aussi sévères, mais nous sommes chargés d'assurer un service public dont la régularité importe au plus haut degré à la vie nationale. Nous compromettrions ce service et nous manquerions au premier de nos devoirs si nous acceptions de passer l'éponge sur une révolte injustifiée d'agents, auxquels nous n'avons cessé de donner des preuves de l'intérêt que nous portons à notre personnel. Ce serait un encouragement à de nouveaux désordres. Veuillez bien croire, Monsieur le Maire, que je suis au plus grand regret de ne pouvoir entrer dans les vues de votre Conseil Municipal et agréer l'expression de ma considération distinguée.
Le Directeur de la Compagnie. Le mouvement est finalement brisé le 18.
L'éparpillement des associations syndicales cheminotes, voire leurs divergences idéologiques ont provoqué la perte du mouvement. Malgré tout, la thune est (presque) accordée... Du moins, certaines augmentations de salaires sont appliquées. Cies. et gouvernement ont, durant quelque jours, "tremblé" devant la puissance cheminote. Mais, ils ont également pris conscience de leur propre pouvoir et "rodé" leur arsenal répressif... Ils en conserveront une expérience certaine utilisée en 1920. Toutefois, le Gouvernement d'Aristide Briand (surnommé par les cheminots Marseillais "Judas-Aristide Briand") est déstabilisé... Il chute en 1911.
Les cheminots, de leur coté, fortement ébranlés par cet échec, se regroupent sous la bannière de la Fédération Nationale des Cheminots. Le travail reprend à partir du 20. Enfin, cette grève, échec cuisant pour les cheminots, va laisser des traces dans les esprits et un souhait de revanche que l'on retrouvera dix ans plus tard...
Le quotidien reprend ses droits... Mais, les nuages noirs s'accumulent et la crise internationale s'amplifie...
Le 2 août 1914, en pleine période des moissons, des affiches placardées sur les murs et les annonces faites "au tambour" annoncent la mobilisation générale. Les hommes doivent immédiatement cesser toute activité, quitter villages, soleil provençal, familles et amis pour partir vers les sombres forets des Vosges. Pour beaucoup d'entre eux ce sera là, la première occasion d'emprunter ce train qu'ils voyaient sillonner leur campagne au quotidien. De nombreux employés des chemins de fer sont réquisitionnés. Le matériel roulant est aussi utilisé jusqu'à la limite de ses possibilités. Pour la première fois dans l'histoire humaine, le chemin de fer, déjà partiellement utilisé en 1870, devient la clé de voûte de l'organisation militaire. (Le Maréchal Joffre le dit lui même "La guerre actuelle est une guerre du chemin de fer"). A l'issue du conflit, le rail aura changé de visage comme l'ensemble du pays. Le transport automobile aura entre temps démontré dans la Marne, qu'il pouvait soutenir avec succès la comparaison avec ce mode de transport plus que cinquantenaire... Ca en sera fini de la suprématie du chemin de fer...
Dans le domaine syndical, la guerre induit une situation difficile. La mobilisation provoque une perte considérable des adhérents, alors même que les activités syndicales sont placées sous surveillance policière. Fortement affaiblies les représentations syndicales, si elles militent encore pour une augmentation des traitements et allocations, n'en réaffirment pas moins la bonne volonté des travailleurs du rail, ayant dans un même élan abandonné leur lutte syndicale pour tourner vers la défense nationale toutes leurs énergies. A partir de 1916, le Syndicat national mène campagne pour la réunification syndicale, sous la houlette de Marcel Bidegaray, son secrétaire général. Malgré les difficultés les 27 et 28 janvier 1917, la "Fédération nationale des travailleurs des chemins de fer de France, des colonies et des pays de Protectorat" est portée sur le fonts baptismaux. Le premier congrès de l'union des Syndicats P.L.M. de la nouvelle fédération se tient à Avignon (Bourse du travail) les 5 et 6 mai 1917.
Mais l'usure de la guerre, les difficultés de la vie quotidienne, la nouvelle union des syndicats cheminots, l'entêtement de la Cie. face à diverses demandes au sujet des congés payés ou de la prime de vie chère qu'elle refuse de verser au personnel féminin, font monter peu à peu le mécontentement... La fin du conflit approche, mais sur le volet social, la situation va être de plus en plus difficile.
A suivre... Les grèves de 1920... pour aller plus loin... Autres pages: Autres sites et documents:
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