LA GARE D'AVIGNON (LES ORIGINES)..

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LES GARES D'AVIGNON...

 

Il serait impropre de parler de "la" gare d'Avignon, mais il est plus juste de parler des "installations ferroviaires Avignonnaises", tant celles ci sont importantes et étendues. On ne compte pas moins (ou du moins, on n'a pas compté moins) dans cette préfecture, d'une gare pour les voyageurs, une pour les marchandises, une pour les "Trains Auto Accompagnées", deux chantiers de triage, de nombreux kilomètres de voies et embranchements ainsi qu'une gare pour le T.G.V.! Ces importantes installations sont le résultat d'une longue suite de transformations et de modernisations successives, destinées à apporter un service toujours meilleur à la clientèle.

La toute première gare Avignonnaise n'a vécu que quelques années. Elle n'était conçue par la Compagnie d'Avignon à Marseille que comme un établissement provisoire. Il était prévu de l'installer à la "petite Hôtesse".

Tentons de regarder un peu plus en détail...

LA DIFFICILE GESTATION DE LA GARE AVIGNONNAISE

L'étude de l'implantation de la gare, ou pour être plus précis des gares d'Avignon, s'est bien entendu intégrée dans le cadre des études complexes de la ligne Lyon-Marseille. Etudes d'autant plus confuses en ce qui concerne Avignon car elle se trouve être le point de jonction de deux lignes appartenant à deux Compagnies. distinctes. Dans un premier temps, les voyageurs ne faisant pas encore partie du paysage ferroviaire naissant, les Compagnies concessionnaires et les ingénieurs à leur service ne s'occupent pas d'installer une gare à leur attention. Seule une gare pour les marchandises est prévue dans les premiers projets... Ce n'est que beaucoup plus tard que les ingénieurs, qui considéraient que les gares des voyageurs étaient du ressort des communes, finissent par les inclure dans les projets officiels avec l'accord des communes.

Rappelons également qu'Avignon, en ce début du XIX e siècle, n'est qu'une ville de moyenne importance, frileusement enfermée dans ses remparts et dont la seule "vitrine" extérieure se trouve du coté du fleuve... Ces éléments sont d'une importance capitale en ce qui concerne la suite de l'étude. Ainsi, à l'origine des projets (celui de Delorme), on imagine Avignon pourvue d'un embarcadère, mais on ne se préoccupe pas particulièrement de son emplacement futur. Tout au plus sait-on que la ville possède des terrains au lieu dit "la petite Hôtesse" et qu'elle est prête à les céder car elle souhaite développer ses faubourgs sud.

Mais les tracés prévisionnels ne prévoient pas tous de faire passer le chemin de fer en Avignon... Alors que Talabot n'étudie même pas la liaison Vauclusienne, Kermaingant propose plusieurs possibilités. Parmi celles-ci, seul le projet reliant Avignon et Marseille est retenu, faisant de la préfecture Vauclusienne la tête de ligne... Ce qui n'est pas pour déplaire à ses élus et commerçants qui voient ainsi leur ville, à l'instar de Lyon, se transformer en un important centre de transbordement, de stockage et de commerce... Mais le rail ne pourra s'arrêter en Avignon, il faut envisager son développement vers le nord. C'est ainsi que lors de la création de la compagnie de Lyon à Avignon et en prévision du raccordement futur avec les voies à venir, de multiples projets sont présentés, visant à assurer la traversée de la ville soit en longeant les bords du Rhône soit en contournant la ville par le Nord-est.

Le premier tracé (Talabot) longeant le fleuve, permettrait un raccordement "logique" avec la ligne déjà exploitée montant de Marseille, possédant pour l'instant son terminus à Rognonas mais devant être prolongée jusqu'en Avignon où était prévue la gare originelle. Il nécessiterait toutefois la destruction des remparts (ou du moins leur utilisation pour soutenir la plate forme ferroviaire). La traversée du rocher des Doms se ferait par un tunnel et deux gares seraient prévues. L'une, pour les voyageurs, pourrait être implantée à la "petite hôtesse", prés de ce qui est l'actuel pont de l'Europe, l'autre serait à la porte de l'Oulle. Celle ci serait destinée aux marchandises. S'il était construit suivant ce projet, le chemin de fer pourrait préserver la ville des fréquentes inondations. Les ingénieurs de l'époque (déjà sensibles à l'environnement?) avaient par ailleurs prévu de "cacher" la voie ferrée par des murettes... crénelées pour "conserver à la ville son caractère original et moyenâgeux, mieux que de vieux remparts en mauvais état!".

Le tracé Kermaingant vise à assurer le contournent par le Nord-est et permet de ne point détruire les monuments historiques. Ce tracé, nous l'avons vu est une reprise d'une étude de construction d'un canal proposée par Montluisant. Les P&C l'adoptent en 1837 et en 1842. Kermaingant, qui ne se préoccupe pour l'instant pas des futurs voyageurs, propose de faire construire 2 gares... Pour les marchandises. L'une au sud de la ville, sur les terrains de la petite hôtesse, pour l'Avignon-Marseille, l'autre pour la Cie. de Lyon à Avignon, implantée à proximité de la porte St Lazare. Les liaisons entre fleuve et fer seraient ainsi préservées. Talabot revient entre 1838 et 1842 avec un nouveau tracé, partant vers le nord et comportant un embranchement vers la petite hôtesse.

C'est en 1845 que l'on s'occupe enfin du service des voyageurs... Une chose est acquise la gare des voyageurs doit se trouver sur le territoire du Lyon Avignon. Soit:
- si le tracé retenu est celui de Kermaingant (à l'Est) installation d'une gare mixte au sud pour l'Avignon Marseille, installation d'une gare marchandises à St Lazare et d'une gare voyageurs à St Michel pour le Lyon Avignon.
- si le tracé retenu est celui Talabot (par les bords du Rhône) installation d'une gare commune pour les voyageurs prés de la porte de l'Oulle.

Le tracé Est qui évite la destruction des remparts côté Rhône.

Dans une délibération du 30/08/1845, après avoir repoussé le tracé passant au levant, les conseillers généraux, gagnés à sa cause, s'attachent à mettre en exergue les avantages de la proposition Talabot par rapport à celle de Kermaingant: "Par la rive du Rhône, au contraire, tous ces inconvénients disparaissent, un foule d'avantages se présentent... Le boulevard destiné à supporter le chemin de fer met la ville à l'abri des crues du Rhône. L'établissement de ce boulevard sur les ruines des remparts actuels lui assure une solidité à toute épreuve. La démolition de la partie des remparts excédant la hauteur d'élévation du boulevard fournira d'excellents matériaux. L'embarcadère placé entre les portes de l'Oulle et la petite hôtesse se trouve merveilleusement placé pour desservir le quartier le plus riche, le plus populeux, celui où se trouvent les hôtels; la distance à la place de l'horloge n'est que de 300 mètres...". La municipalité "Poncet", l'avalise finalement à une écrasante majorité et mande par deux fois des délégations auprès du ministère. Les plans proposés en 1847 nous montrent donc une gare pour les voyageurs et les marchandises implantée au lieu dit "la petite hôtesse", comprenant en complément un quai à charbons, un quai à chaises de poste et un petit dépôt.

PROSPER MERIMEE SAUVE LES REMPARTS

Si donc le projet des "bords du Rhône" semble avoir reçu, dans un premier temps, un accueil favorable des populations ou pour le moins des administrations locales, les efforts de Mérimée, en vue de la sauvegarde du patrimoine freinent son avancement. "Vous êtes de drôles de pistolets au conseil municipal, vous ne faites rien pour sauver vos remparts et vous voulez que nous fassions tout. Si la minorité eut protesté contre le tracé parallèle au Rhône au nom des intérêts de l'autre coté de la ville cela nous eut donné une grande force pour défendre la question des remparts, tandis que abandonnés à nous même, ayant à plaider la cause de l'art en présence d'intérêts matériels que nous ne pouvons pas discuter, nous n'avons aucune chance de succès"... écrit il aux opposants au projet. Les autorités militaires, pour leur part, prennent fait et cause pour le tracé Est en 1847. L'ingénieur Perrier étudie un projet de gares prés des portes St Lazare et Limbert, qui est repoussé par la municipalité le 17 juillet..

Son entêtement, l'aide des instance militaires souhaitant conserver le mur d'enceinte, la chute de la municipalité et la déchéance de la Cie. Lyon-Avignon en 1848, font finalement "capoter" le projet Talabot. Les anciens partisans du projet ne manqueront pas de rappeler les "avantages" que la ville aurait pu en tirer lors des grandes inondations de 1856!

Toutes les études sont donc mises en sommeil en attendant des jours meilleurs...

Ainsi, en 1848, point de projet définitif en ce qui concerne la préfecture Vauclusienne. Il ne reste, pour les besoins de l'exploitation qu'à installer au minimum une gare provisoire, seule solution peu dispendieuse en attendant un choix d'emplacement définitif. Celle-ci serait implantée, en attendant, au terminus de la ligne en provenance de Marseille, sensiblement dans la zone de l'actuelle gare des marchandises. La mise sous séquestre de la Cie. en novembre 1848, entraîne de nouveaux retards dans la construction. Plusieurs entrepreneurs, dont la municipalité Avignonnaise, souhaitant occuper ses chômeurs, reprennent les travaux à leur compte dans le but de combler la lacune qui persiste entre la Durance et Avignon, pénalisant cette dernière... Dans tous les cas pour obtenir le passage du futur "Railway" que lui refusait Talabot, la municipalité avait, en avril 1840, accepté de financer pour moitié la construction du viaduc sur la Durance et en 1841 de le financer en totalité... Dans un premier temps arrêtée à la gare de Rognonas/Barbentane (mise en exploitation Rognonas St Chamas, le 18/10/1847), la voie en provenance de la cité Phocéenne via Arles et Tarascon est enfin "poussée" jusqu'en Avignon. La construction du viaduc sur la Durance à nécessité, à lui tout seul, plus d'une année de travaux que divers atermoiements quant au choix de l'emplacement de la gare ont encore retardés... Dans l'attente le transfert des voyageurs entre Rognonas et Avignon s'est effectué par un service d'omnibus... Une voiture qui ne prend pas moins d'une heure pour effectuer ce parcours de quelques kilomètres seulement!... Le gouvernement vient enfin à la rescousse. Un crédit de 1 million de Fr. est finalement voté par l'assemblée le 2/02/1849. 700 000 Fr. sont consacrés au seul viaduc sur la Durance.

Les dossiers avignonnais mis en sommeil réapparaissent en 1850. La question de la gare momentanément mise en suspens est relancée. Le premier tracé par les bords du Rhône est, cette fois, repoussé par la nouvelle municipalité. Les ingénieurs proposent alors deux variantes: l'une passant à l'opposé même de la première, mais restant intra muros (Projet Perrier et Borel de 1851) avec une gare positionnée sur l'emplacement des invalides, la seconde passant au delà des remparts (projet proposé par Thirion et Borel en 1852) avec une gare à St Michel. Poussés par la recherche du moindre coût d'établissement et probablement par les défenseurs du patrimoine architectural, Talabot et la municipalité choisissent finalement la seconde proposition qui correspond donc au tracé que nous connaissons aujourd'hui, avec un léger décalage de la gare pour la positionner face aux invalides. il est à noter que la municipalité avait, une fois encore fait le mauvais choix en optant dans un premier temps pour le projet intra-muros., arguant du fait que les invalides étant désormais inutilisés et le quartier déserté, ceci lui redonnerait une activité certaine. Il reste que les extensions futures de la gare en auraient été fortement compromises.

Sans l'intervention de Mérimée, le chemin de fer aurait pris la place des remparts que nous voyons ici sur la droite en cheminant le long du Rhône... La gare se serait située approximativement là où se trouvait le photographe qui a pris ce cliché.

Après la déchéance et l'abandon de son projet, Talabot, revient sur le devant de la scène. Il réussit, le 3/01/1852, à recouvrer la concession d'une ligne reliant Lyon et Marseille via Avignon.. Au terme de la délibération du conseil municipal du 27/10/1852, puis après approbation par le ministère le 20/12, le projet d'établissement de la gare Avignonnaise est enfin validé. Le chemin de fer passera par le Nord et l'Est de l'agglomération. C'est donc à Prosper Mérimée, conservateur avant l'heure des richesses patrimoniales de la cité papale, que nous devons le plaisir d'admirer de nos jours encore les magnifiques murailles et tours du bord du Rhône...

L'enquête d'utilité publique concernant la traversée d'Avignon ainsi que les éléments du raccordement entre les lignes du L.M. et du L.A., est ouverte entre les 11 et 18 février 1853, celle concernant la gare entre les 18 et 25...

LE CHOIX DEFINITIF...

La gare des voyageurs sera donc placée à l'emplacement que nous connaissons aujourd'hui, le long du mur d'enceinte prés du quartier Saint-Michel. Le B.V. sera construit parallèlement aux bâtiments des invalides. Son axe sera placé de manière à coïncider avec celui de la rue "des vieilles études", qui lui fait face. Outre le B.V., la gare des voyageurs comprendra des locaux pour la messagerie, un abri pour les voyageurs, une remise pour les voitures, une pour la locomotive de réserve (locomotive "en feu"), un quai pour les chaises de poste, deux trottoirs avec rampes d'accès... Les plans sont approuvés le 25 février 1853, par le Conseil d'Administration de la Cie.. Les entrepreneurs retenus pour la construction acceptent, de mauvaise grâce, les travaux dont ils contestent les coût.

La gare des marchandises sera placée sur l'emplacement de la gare provisoire du chemin de fer d'Avignon à Marseille. Elle comprendra une remise pour les voitures, un quai couvert et un découvert, ainsi qu'un grand service pour les charbons... Une estacade de bois au dessus du chemin de halage et un système de voie provisoire sont installés à la petite hôtesse pour le transfert des matériaux extraits du fleuve destinés au remblai des surfaces sur lesquelles sera construite la gare.

GARE D'AVIGNON

La première gare Avignonnaise... Bien seule en dehors des remparts... On aperçoit sur la gauche la cheminée carrée de la machine à vapeur fixe destinée à entraîner la pompe à eau pour l'alimentation des locomotives. On aperçoit également la remise des machines (arrière plan) et l'édicule d'aisances au milieu (il existe toujours!!) (Coll. A.D. Vaucluse)

C'est ainsi que se dessinent les premières véritables installations Avignonnaises...

Elles n'auront de cesse d'évoluer et de s'agrandir.

Le 29/06/1854, le premier train de voyageurs quitte Valence pour Avignon... Les armées de Crimée sont les premières utilisatrices du "Railway"... Le 1/11 suivant, les marchandises circulent à leur tour.

LES BOULEVERSEMENTS OCCASIONNES PAR L'ARRIVEE DU CdF...

La création de "l'embarcadère" (le terme est encore en vigueur à cette époque, celui de gare peu usité... On parle aussi de "port sec"... Le chemin de fer est encore une technologie nouvelle) des chemins de fer près de la porte Saint-Michel provoque de profondes transformations de l'intra-muros Avignonnais. La gare devient le point "d'entrée" de la ville. Que les voyageurs ou les personnalités les plus illustres parviennent en Avignon, c'est au sortir de la gare qu'ils découvriront la cité. Or jusqu'à l'avènement du rail, c'est par la route royale ou par voie fluviale que parviennent les visiteurs. L'axe principal d'entrée dans la ville est ainsi disposé à l'opposé de la gare. Il commence à la porte St Lazare. C'est là que sont depuis le moyen âge, reçus princes et rois en visite. La municipalité "Pamard" consciente de cette évolution essentielle au prestige de la cité, lance une vaste opération d'urbanisme dés 1843. Elle met également comme condition à l'acceptation du projet d'établissement de la gare, l'exécution d'une grande avenue conduisant du débarcadère à la place de l'horloge. MM Parent, Shaken, Péto, Betts et Brassey, adjudicataires des travaux de construction de la future ligne, participent à hauteur de 60 000 Francs à cette opération, dont la municipalité reste maître d'œuvre. En 1854, une large porte est ouverte dans les remparts, faisant directement face au Bâtiment des Voyageurs. Une large avenue, la rue Bonaparte, est créée depuis cette porte jusqu'au carrefour de la rue Joseph Vernet. Elle est, par la suite, prolongée jusqu'à la place de l'horloge. Elle est aujourd'hui la très "fameuse" rue de la république, artère principale de la cité... Les travaux, freinés par les expropriations, s'étalent entre 1855 et 1867...

GARE AVIGNON CENTRE

La porte St Roch percée spécialement et la rue de la république, aménagée pour faire de la gare "la porte d'entrée de la cité". Le chemin de fer provoque un fort bouleversement de la ville d'Avignon. Au premier plan la statue de Philippe de Girard qui ornait la place et les 2 cafés de la gare.

Quant aux terrains acquis prévisionnellement en 1843 au lieu dit "la petite hôtesse", devenus inutiles pour la Cie. par suite du déplacement de la gare, ils sont dans un premier temps loués à l'armée (1874, pour y stocker du matériel et faire des manœuvres aux sapeurs pontonniers) puis reversés aux domaines pour être vendus en 1886.

GARE D'AVIGNON

Si Avignon ne peut, à l'instar de Miramas, être considérée comme une ville née du rail, elle n'en sera pas moins profondément marquée par sa venue. Le chemin de fer va drainer une considérable foule d'ouvriers que ce soit pour sa construction puis, par la suite, son exploitation. Les quartiers voisins des grandes installations ferroviaires verront leur population croître d'une communauté forte et soudée. Avignon, "place forte" du rail sera souvent en pointe des luttes, soulèvements et actes d'héroïsme cheminots... Nous verrons tout cela dans le chapitre suivant...

... LES EVOLUTIONS ET LA VIE QUOTIDIENNE EN GARE D'AVIGNON ...

 

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04/05/2009
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