10 MINUTES D'ARRÊT BUFFET..

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"10 MINUTES D'ARRÊT BUFFET!"

LA RESTAURATION FERROVIAIRE

 

Bien avant que n'arrivent les premières rames de chemin de fer, nos ancêtres ne connaissaient, pour se déplacer, que les moyens utilisés depuis la nuit des temps. Non seulement, les voitures hippomobiles n'étaient pas très confortables, mais les voyages étaient en général fort longs... Aussi, tout au long des routes s'était créé tout un tissus d'auberges, de petites échoppes, de débits de boissons, d'écuries... L'arrivée du chemin de fer bouleverse ces habitudes séculaires et apporte une relative amélioration du confort et de la rapidité des voyages... Mais, au XIX eme siècle, nous ne sommes pas encore au temps du MISTRAL, et les "wagons" pour les voyageurs ne sont pas encore équipés du confort minimal... Quant aux voyages, ils demeurent encore assez longs. Alors, le chemin de fer va devoir adopter des solutions rodées par ses concurrents... Ainsi sont nés les chalets d'aisances et les bornes fontaines dans les gares, pour que les voyageurs puissent satisfaire à quelques besoins naturels et se désaltérer. Ainsi sont apparues les bouillottes, que le lampiste glissait sous les pieds des belles dames de première classe pendant les périodes hivernales...

Ainsi, ont été installés les bazars et bibliothèques des chemins de fer.
Ainsi vont apparaître, au fil du temps, d'abord les vendeurs ambulants puis les buvettes et les indispensables buffets de gares...

LA GARE DE CAVAILLON - LE BUFFET

Le buffet de Cavaillon...

A l'origine, les Compagnies conscientes de l'intérêt de telles installation, mais ne souhaitant pas s'en préoccuper directement, se chargent de la mise en place des bâtiments mais se réservent le droit d'accorder la concession des buffets à des particuliers. Comme pouvaient jadis le faire les voyageurs de la malle poste dans les auberges ou les relais, les voyageurs du chemin de fer peuvent s'y restaurer et désaltérer. Toutefois il n'y a de vrais buffets que seulement dans les gares les plus importantes. Ils y sont, en général, construits plus ou moins à proximité immédiate du B.V., dans un style architectural identique (les gares de moindre importance se contentent de buvettes dans lesquelles il n'y a pas de plats chauds proposés). Mais ces "appendice" du chemin de fer, laissés en gérance à des personnels non cheminots ne sont pas toujours bien "reçus"... Tant par le personnel cheminot que par les aubergistes et restaurateurs qui sont déjà parfois en place à proximité... Quant au statut du concessionnaire, pris en tenaille entre les règlements de la compagnie et ceux pouvoirs publics, des il n'est pas des plus confortable. Ses affaires sont intimement liées aux circulations ferroviaires et horaires, mais au moindre faux pas de sa part le bail peut être dénoncé par la Compagnie!

Si les tarifs dans ces établissements sont, en général, assez attractifs, la cuisine n'y est pas toujours des plus fine et les conditions de restauration ne sont pas très faciles. Les voyageurs ne disposent en général, sauf ceux en attente de correspondance, qu'un d'un temps très court pour déjeuner... Les temps de parcours des trains sont compris avec des "arrêt buffet" plus ou moins longs dans les gares principales. Il est toutefois délicat de se faire servir et de prendre son repas dans le quart d'heure habituellement alloué, alors que la foule des voyageurs se presse vers le buffet... C'est l'aboyeur qui met rapidement un terme aux "agapes", par un tonitruant "en voitures s'il vous plaît!" et les malheureux voyageurs de quitter leurs tables, emportant souvent avec eux la fin de leur repas (pour ceux qui ont pu le commencer)...

ANCIEN BUFFET DE BOLLENE

EN GARE DE PERTUIS

Les anciens buffets de Bollène et Pertuis.

La première gare construite sur le sol Vauclusien (abstraction faite de la gare provisoire de l'Avignon-Marseille), en Avignon est, dés l'origine pourvue d'un buffet... En avril 1854, le directeur de la Cie. soumet au conseil un projet de contrat de concession au restaurateur Campe. La future location sera contractée pour 7 années. Durant les 4 premières, le locataire ne paiera aucune location, mais il devra ensuite s'acquitter de 2 000Fr. annuellement. Des clauses spécifiques à la tenue vestimentaire du personnel, à la qualité du service, sont annexées au contrat... Tout est très précisément codifié dans la concession de ce premier établissement Vauclusien...

On comptabilise finalement en 1878, au fil des extensions et nouvelles lignes, 3 buffets sur le territoire Vauclusien. L'un se trouve en Avignon, l'autre à Cavaillon, le dernier à Pertuis. Les buffets sont longtemps l'objet de nombreuses critiques tant en raison de la qualité de la nourriture proposée que du temps trop court de "l'arrêt buffet", nous l'avons dit, mais aussi à cause de... la promiscuité entre le voyageurs des diverses classes (contrairement aux salles d'attente dédiées, on déjeune tous ensemble au buffet...).

On dénombre dans toute la France, 66 buffets de gare en 1858, 115 en 1878 et 445 en 1914, ainsi que 3 grands hôtels (Hôtel-terminus) à Marseille, Lyon et Paris (le fameux "Train bleu" de la gare de Lyon est inauguré en 1901). 

Afin de palier certains de ces inconvénients les buffetiers proposent des paniers repas à emporter (les paniers sont récupérés dans une gare plus lointaine et rapatriés sur leur buffet d'origine), comme c'est la cas pour Avignon. Les buffets sont progressivement concurrencés par les voitures restaurant qui sont peu à peu incorporées aux trains rapides par la Compagnie Internationale des Wagons Lits (Ajout d'une voiture restaurant et d'un wagon salon aux trains rapides 1 et 2 à titre d'essai, entre Paris et Marseille en 1885). Mais Longtemps ceux-ci ne proposent que des repas à des prix trop élevés pour le commun des voyageurs et donc, au tournant du XX eme siècle, le buffet Avignonnais reste classé parmi les meilleurs de la région.

Une voiture restaurant du train bleu... A bord une vraie cuisine et un personnel équivalent à celui d'un grand établissement. De fait, les menus, haut de gamme, ne sont pas accessibles à tous les voyageurs...

On peut s'y faire servir un repas copieux pour 4 Fr.. On se restaure alors d'un potage ou hors d'œuvre, suivi d'un choix parmi 4 plats principaux, d'un entremet et d'un dessert! Pain et Vin sont servis à volonté. On peut également prendre un repas à 3 Fr.. Celui-ci reste convenable mais se trouve moins copieux: Potage ou hors d'œuvre, 2 plats, fromage ou fruit. Pain à volonté mais le menu ne comporte qu'une demi bouteille de vin ordinaire. Pour les moins fortunés, ou les plus pressés, la formule à 1.50 Fr. est proposée: Une tranche de viande accompagnée de légumes, fromage. Le pain est également servi à volonté. Un carafon de vin ordinaire de 30 cl complète le menu. Les clients peuvent également faire leur choix à la carte.

GARE D'AVIGNON

Les buvettes à l'entrée de la cour des voyageurs (en + du buffet accolé au Bâtiment de voyageurs). Contrairement à ce dernier elles ont disparu depuis longtemps.

Les buffets de Pertuis et de Cavaillon ne proposent que les menus à 3 Fr. et 1.5 Fr., ainsi qu'une carte. Quant à Bollène, il n'y a que la formule la plus simple et une carte. Au seuil de la grande guerre la situation n'a que peu évolué. Le buffet de Bollène propose maintenant le menu à 3 Fr.. Le premier conflit mondial modifie les données en terme de gastronomie ferroviaire.

On propose désormais, dans l'entre deux guerres, des menus "haut de gamme" d'un prix compris entre 11,50 et 17 fr. et des menus "classiques" entre 6 Fr. et 8 Fr.. A cette époque, Avignon, Cavaillon, Bollène et Pertuis conservent leurs buffets. Carpentras et Orange, se contentent d'un kiosque buvette (les kiosque buvettes apparaissent à partir de 1903).

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Coll. JL Bezet

Mais la seconde guerre arrive. Liée aux bouleversements économiques qui la suivent elle met un terme à l'activité de la plupart des buffets et buvettes de France et de Vaucluse, hormis le buffet d'Avignon. Une vente ambulante de sandwiches est également maintenue sur les quais, par le biais d'un chariot. L'arrivée, dans les années 70/80, des voitures CORAIL et des TGV dont les vitres ne s'ouvrent plus, y met un terme. Désormais les voyageurs ne peuvent trouver nourriture et boissons que dans les voitures bar, Gril Express (ou en vente ambulante), ou encore en gare, notamment en Avignon, où une boutique propose une vente côté salle des pas perdus et sur le quai 1 (ou des en-cas distribués par des automates. Précisons à cette occasion qu'il existait dans les gares des distributeurs automatiques de friandises, dès 1890!).

Voiture BAR d'un TGV Duplex... On peut s'y faire servir café, boissons, petits déjeûners, en-cas chauds, sandwiches et même plateaux repas.

Mais, s'il est le seul à subsister, le buffet d'Avignon acquiert dans les années 50 une renommée exceptionnelle. Les années d'après guerre se veulent celles du renouveau. En 1950, en même temps que se reconstruisent les infrastructures et que prennent fin les restrictions, la S.N.C.F. donne un "nouveau départ" aux buffets de gares qui subsistent encore. Jules Antonini, secrétaire général nommé en 1948 est également... président de l'académie des gastronomes. Il souhaite donner aux buffets les moyens de reconquérir la clientèle touristique. Il lance la campagne des "buffets gastronomiques". Les établissements se doivent de proposer des menus composés d'un ou plusieurs hors d'œuvre, d'un poisson ou une entrée, un plat de viande garni et un dessert. Le prix est fixé entre 600Fr. et 800 Fr., service et boisson compris. Une formule pour voyageurs moins fortunés, ou pressés, doit également être proposée par les buffetiers. Pour 350 Fr. à 400 Fr. on sert une entrée chaude ou hors d'oeuvre, un plat principal, un fromage ou un dessert, le tout accompagné d'un carafon de vin. Pour les deux formules, l'un des plats doit obligatoirement être une spécialité "locale" de même que le vin. Mais celà n'enraye pas le déclin (le nombre de concessions passe de 416 à 279 entre 1950 et 1974).

Dés la première année, 62 établissements sur les 416 recensés sur tout le réseau français adoptent la formule. Pour dynamiser l'opération et inciter les buffetiers à y adhérer, un jury composé de responsables de la S.N.C.F., de membres le l'académie des gastronomes et du "club des cents" désignent, les 3 premières années, les meilleurs établissements. Ainsi, en 1952, le buffet d'Avignon remporte le concours avec Lille, Bordeaux, Hendaye et Chagny...

GARE D'AVIGNON

Avignon... Buffet et chariot de vente ambulante.

En Avignon, c'est M Sylvestre qui est concessionnaire du buffet depuis 1934, et il n'est pas n'importe quel chef. D'aucuns le considérant comme le premier chef de la S.N.C.F.. La carrière de cet homme est d'ailleurs très complète.

Entré en 1902 en apprentissage à Aix en Provence, il travaille ensuite dans la capitale, notamment au buffet de la gare de Lyon. On le retrouve ensuite à Berlin, à Naples, en Suisse, en Belgique... Puis il revient à ses premières amours et retrouve le chemin de fer à Annemasse tout d'abord, puis en Avignon. Appartenant à l'académie culinaire de France depuis sa création, il reçoit également le prix d'honneur du comité national des vins en 1939, le diplôme d'excellence du club Prosper Montagné en 1951 et enfin le 20 novembre 1952 le grade de chevalier du mérite touristique. Les menus proposés, dans le cadre imparti par le nouveau cahier des charges, sont, en Avignon, d'heureuses applications de la cuisine provençale et Comtadine. Les gastronomes apprécient notamment "la sole P.L.M."*, "les pieds paquets à la Comtadine", le riz camarguais accompagnant le "Pillow de crabe à la Vaccarès" ou le "tendron de veau à la gardianne", les "Culs blancs" (petits oiseaux) à la pastourelle"...

Certains de ces mets sont même proposés dans le menu à 400 Fr.. Le buffet d'Avignon est par ailleurs entièrement rénové en 1952. Il est inauguré le 21 juin. Les repas sont servis dans une salle "pimpante et gaie" donnant sur un jardinet. Un menu spécial est servi le jour de l'inauguration. Y sont proposés:

  • Melon glacé au porto
  • Médaillon de foie gras à la gelée
  • Homard gratiné à la cardinale
    Poulet rôti aux truffes du Ventoux
  • Haricots verts au beurre
    Plateau de fromages
  • Charmes de Vénus en dentelles
  • Petits fours
  • Café
  • liqueurs

Le tout accompagné de Porto Querido, château Contet 1914, Graves Kressman 1914, Pomarol 1929, Châteauneuf du pape 1945 et Dentz brut 1947. La cave du buffet d'Avignon est à la hauteur de sa table...

En 1983, il ne reste que 210 buffets sur tout le réseau S.N.C.F., dont celui d'Avignon. Les buvettes qui étaient situées à l'entrée de la cour de la gare ont, elles, disparu lors de travaux de réaménagement. Progressivement le buffet d'Avignon est remanié mais perd tout son lustre passé et passe sous diverses enseignes. Notons également qu'Avignon possédait une buvette spécifique en gare Auto-couchettes aujourd'hui démolie.

Avignon salle des pas perdus... et devanture du buffet à côté d'un pub irlandais!

Avignon buffet de la gare de Fontcouverte... ancienne et nouvelle version... Maintenant tout cela a disparu!

Le Train Bleu à Paris.. Les plus célèbre des buffets de gares.

Alors amis ferroviphiles, lorsque vous "dégusterez" votre prochain sandwich S.N.C.F, ayez une pensée pour vos aïeux et leurs paniers repas, déballés sur une banquette de bois d'un wagon de III eme classe ou au repas gastronomique pris au buffet ou à la table du train bleu, pour les plus fortunés... Selon que vous soyez puissant ou misérable...

La recette de la "SOLE P.L.M.", suivant M SYLVESTRE, gérant du buffet d'AVIGNON:


Prendre des soles de 180 à 300 Fr. (nous sommes en 1957!), les nettoyer proprement et enlever la peau noire. Inciser la sole coté peau noire sur toute la longueur et retirer l'arête centrale. Farcir la sole avec un salpicon de homard ou de langouste avec dés de champignons et de truffes. Lier le salpicon avec un peu de béchamel à laquelle on aura incorporé 2 cuillers à bouche d'américaine. Relever de haut goût. Farinez les soles. Les passer dans une anglaise crémée et les paner avec de la mie de pain fraîche. Les cuire dans une poêle à poisson avec un beurre décanté. Lorsqu'elles sont de belle couleur, les dresser sur un plat grassement beurré au départ. Y jeter un beurre mousseux à peine noisette et ainsi qu'un mélange de fine cognac et porto; servir mousseux, donc très chaud...

Mais les buffets ne proposaient pas d'hébergement (Sauf très rares exceptions, mais en tous les cas pas en Vaucluse)... Se sont les hôtels installés près des gares qui se chargaient de ce service.

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Les documents et photos illustrant cet article sont issus de la collection de l'auteur (photos Bézet)...



09/10/2007
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